La soirée de Vesoul du 15 septembre 2021, organisée conjointement par le Comité de Vigilance 70 (membre de la Coordination nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité) et l’antenne départementale de l’ACCDM (Association Citoyenne contre les Déserts Médicaux) née à Laval (dont le Comité est lui aussi membre de la Coordination), a été de très grande qualité grâce à trois intervenants qui avaient superbement travaillé leur sujet et qu’il nous faut chaleureusement remercier.
– le Dr Patrick LAINE, suivie par une équipe de France 2 depuis qu’il a donné sans succès cabinet et maison pour trouver un remplaçant, a rappelé ses difficultés et son isolement dans sa volonté de continuer à assurer à Saulnot une présence médicale suffisante. Son action prouve bien que le problème de l’installation n’est pas un problème financier ou technique. Libéral, il évolue vers une remise en cause résolue de la liberté d’installation et vers une forme douce d’obligation de service. Il évoque souvent une obligation de service d’une année, de multiplication des stages locaux, etc. Toujours actif sur le terrain et sensible aux demandes de populations souvent vieillissantes et isolées, il rappelle par sa présence que la médecine devrait d’abord être de nature humaniste.
– Responsable de notre Comité de Montceau les Mines, Jean Pierre MENEGHEL a développé une riche étude sur le numérus clausus et ses suites, montrant notamment que ce sont plus de 100 000 créations de postes de médecins qui depuis le début des années 1970 (pris comme base de référence, à l’époque près de 8500) n’ont pas été réalisées. Ces chiffres sont encore plus importants si on tient compte des abandons de formation, des professionnels qui ne pratiquent pas, des médecins qui font en moyenne moins d’heures de présence que leurs aînés, de l’augmentation de la population globale et de l’accroissement et de la diversité de demande de soins. Un vrai désastre dont les effets se poursuivent aujourd’hui. Si on écoute ce qui se dit ici ou là, ce serait un chiffre de 10 000 à 12 000 créations annuelles qui serait à même de combler progressivement (mais d’ici 10 ans, le temps de formation) les manques actuels. L’appel aux anciens (retraités) et aux étrangers sont insuffisants et éthiquement et socialement inacceptables.
– Responsable de notre ancien Comité d’Albi, le Dr Jean SCHEFFER, lanceur d’alerte et expert national reconnu pour les questions de désertification et de démographies sanitaires, et chercheur infatigable d’informations comparatives, a rappelé que la désertification et l’inégalité sanitaire touchent tous les milieux et tous les secteurs, et qu’elle est beaucoup plus ample qu’on ne le pense si on prend en compte les aspects sociologiques et écologiques et la nécessité d’une vraie prévention : les manques flagrants de médecins hospitaliers (près de 25 % de postes vacants), l’absence de généralistes et surtout de spécialistes dans les territoires, le drame des médecines scolaires, psychiatriques, du travail… dressent une image de faiblesse généralisée de notre système qui fut longtemps un des premiers du monde. Son analyse sur ce qui reste réellement à charge rappelle que le message gouvernemental qui se limite à un aspect est sur ce plan comme sur d’autres parfaitement mensonger et propagandiste. La proposition d’un clinicat de 3 ans pour intégrer les jeunes en formation dans tous les secteurs géographiques est incontestablement une piste à explorer, d’autant qu’en ne parlant pas de fin de liberté d’installation mais en la réalisant de manière paisible, cela pourrait éviter le choc frontal avec des positions purement corporatistes.
– Michel ANTONY du CV70 en conclusion a rappelé que l’accès aux soins se dégrade partout, même au cœur de villes et de territoires pourtant attractifs, et que les problèmes de la détérioration l’accès aux soins, si elle n’est pas vraiment fermement contrée, va terriblement accentuer les inégalités sociales et territoriales. La fracture sanitaire, sociale, sanitaire… fait que les dégâts se multiplient : essor des transports insécures, antiécologiques et coûteux en temps et en argent, des files d’attentes, des temps d’obtention de rendez-vous, des surcharges pour patients, leurs proches et les professionnels débordés et à bout… La question sanitaire est globale et plus que jamais dépendante d’une volonté politique forte pour augmenter considérablement les moyens, mais aussi pour imposer une répartition des professionnels en fonction de l’intérêt général et non plus de l’intérêt particulier d’un groupe restreint de personnes.
Tous ont rappelé que les actions des collectivités locales (démarches, primes, avantages matériels, pôles, maisons ou centres de santé…) pour trouver des personnels sont louables pour les populations touchées. Mais elles sont très dangereuses en termes d’égalité républicaine car elles mettent les collectivités en concurrence pour gérer la pénurie et n’offrent aucune garantie pour la pérennité du système. Elles mettent en avant des questions d’avantages individuels alors que l’éthique sanitaire, républicaine, égalitaire et solidaire, devrait être prioritaire, et elles contribuent à augmenter la désertification des campagnes profondes puisque les centres de regroupements sont quasiment tous dans des petites localités. Les Centres de santé constitués de salariés,vœu aujourd’hui majoritaire des jeunes en formation, ne sont pas suffisamment développés.
Tous ont rappelé que limiter, réduire, fermer des services publics (et notamment mais pas exclusivement sanitaires) a un effet boule de neige négatif sur d’autres services publics, et sur tout l’environnement médical et paramédical du secteur qui devient fragile et moins attractif. Il faut donc stopper toutes les réductions et fermetures de lits, de postes et de services et rouvrir partout selon les besoins.
Les questions toutes intéressantes ont permis de diversifier l’approche, de nuancer quelques propos et de rappeler nos propositions, toutes allant vers une exigence de volonté politique nationale.
Malheureusement la qualité des interventions et des échanges n’a été partagée que par trop peu de personnes. Une petite quarantaine seulement en présentiel, plus une bonne quinzaine de soutiens et d’excuses par courriels et courriers, sans compter la quarantaine d’appuis et presque autant de partages sur Facebook. La démobilisation est donc tristement patente alors que la réalité touche tout le monde. Nous avons eu des excuses de plusieurs « antipass », notamment dans les milieux syndicalistes proches de nous. La tactique de division gouvernementale porte tristement ses fruits.
Lure le 22/09/2021. Amicalement et solidairement. Le CA du CV70