Après la loi organique relative à la dette sociale et à l’autonomie promulguée le 7 août, M Vachey a remis le 14 septembre le rapport préparant l’intégration de la réforme dans le PLFSS 2021
Premières réactions de Jean Claude Chailley, membre du CA de la Coordination
Le 28 mars 2019 M Libault remettait son rapport de 360 pages: « CONCERTATION GRAND AGE ET AUTONOMIE ». Il comporte « 175 propositions fortes pour une politique du grand âge en France ». Ce rapport ouvrait des pistes à l’extension à tous les âges.
Le 7 août, en vacances au fort de Brégançon, E Macron a promulgué la loi organique « relative à la dette sociale et à l’autonomie », loi adoptée par procédure accélérée ; vote contre notamment de PS, PC, FI.
M Vachey a reçu la feuille de route : mise en œuvre la loi organique. Il a remis son rapport de 340 pages le 14 septembre 2020 : « LA BRANCHE AUTONOMIE : PÉRIMÈTRE, GOUVERNANCE, ET FINANCEMENT ».
Le « DIALOGUE SOCIAL» en pratique. E Macron se rappelle l’opposition massive qui a obligé N Sarkozy à abandonner sa réforme.
Pour ne pas trop charger la barque il se fait discret sur la réforme des retraites qui bien que non votée se met en place dans les services informatiques.
La 5ème banche doit être inclue dans le PLFSS 2021, avant le 15 octobre, pour être votée avant la fin de l’année. Le « dialogue social » de Macron c’est ce que Naomi Klein appelle « la STRATEGIE DU CHOC »
Pourquoi une loi organique couvrant la dette et sociale ET autonomie ?
« Une dette ça se rembourse » (B Le Maire, Commission européenne,…)(*)
La dette sociale – qui a été créée volontairement par exonérations, exemptions, sous-financement – est remboursée par la CRDS (Contribution – = impôts – au Remboursement de la Dette Sociale). Elle devait être remboursée en totalité en 2024.
La piste prioritaire du rapport Libault pour financer la perte d’autonomie consistait à poursuivre les versements (environ 17 Md par an) et à les affecter à la perte d’autonomie. Avec le Covid la dette explose. La loi organique impose le remboursement jusqu’en 2033, et on parle déjà de prolonger au-delà.
Il faut donc des ressources supplémentaires pour la perte d’autonomie (voir ci-dessous).
(*) Sous cette forme générale c’est un mensonge. Un Etat ne rembourse jamais ses dettes mais tente de les contenir à un niveau « soutenable ». Faire rembourser la dette sociale puis probablement la dette « Covid » des services publics (on parle d’une loi organique CRDS 2) a pour but de nous faire rembourser une partie des aides aux banques, aux entreprises.
Le rapport Vachey, comme le rapport Delevoye sur la retraites à points, se réfère aux ordonnances du 4 octobre 1945 « garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature… », ce qui inclut la perte d’autonomie.
Alors on est d’accord ?
C’est plus compliqué. Le rapport Vachey rappelle qu’il n’y avait « qu’une caisse nationale de sécurité sociale et des caisses régionales et locales ». Le financement c’était la cotisation sociale. Depuis il y a eu création de branches, avec financement de plus en plus spécifique, tendant à l’éclatement de la Sécu, auquel la réforme participe.
La perte d’autonomie est-elle un nouveau risque ? Non.
- Il y a toujours eu des handicapés de naissance, des handicapés par accident, par les guerres, des maladies comme la maladie d’Alzheimer qui représente l’énorme majorité de la perte d’autonomie des personnes âgées (jadis on l’appelait « gâtisme »)
- Le rapport Vachey confirme que le « nouveau risque » est une décision d »E Macron :
»L’autonomie, ou la perte d’autonomie, n’est donc au sens strict pas un « 5ème risque. Mais la loi organique du 7 août 2020 fait bien de l’autonomie un risque de sécurité sociale »
Il n’y a aucun besoin d’une 5ème branche. La logique c’est d’intégrer la perte d’autonomie à la BRANCHE MALADIE de la Sécurité sociale. C’est d’ailleurs la branche maladie de la Sécurité sociale qui assure l’essentiel du financement de la perte d’autonomie.
Jupiter a tranché : il y aura une 5ème branche. Cette « branche » sera confiée non pas à la Sécurité sociale, mais à la CNSA (**).
Le financement, très particulier, pourrait inclure des assurances privées.
Est-on dans la Sécurité sociale ou dans une alternative à la Sécurité sociale ?
- La Sécurité sociale a 4 banches : maladie, retraites, famille, AT/MP (Accidents du Travail / Maladie Professionnelles) +l’Acoss, la « banque » de la Sécurité sociale. Elle reçoit des cotisations sociales, de la CSG, de la TVA, des taxes, qu’elle répartit immédiatement sous forme de prestations maladie, retraite,famille, ….
- Avec cette « 5ème branche CNSA», c’est l’inverse: plusieurs branches de la Sécurité sociale financeraient la CNSA, ainsi que l’Etat, des opérateurs publics, …Le rapport va même jusqu’à demander d’exclure les dépenses autonomie de l’ONDAM.
- La CNSA a une gouvernance spécifique qui n’a aucun rapport avec la Sécurité sociale, sinon des représentants des « financeurs ».
- Il y a évidemment incompatibilité de la réforme avec le retour à l’élection des administrateurs de la Sécurité sociale, élection qui suppose l’abrogation des ordonnances Juppé, de l’ONDAM, de la CNSA
(**) La CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) ne résulte pas des ordonnances fondant la Sécurité sociale. Elle a été créée par JP Raffarin en 2005, mais PAS comme branche de la Sécurité sociale. Son budget a doublé : de 14 à 28 Md.
Le financement de la CNSA
Le périmètre de la CNSA est appelé à s’étendre considérablement. Le financement, en plus des transferts depuis la Sécurité sociale, l’Etat, divers opérateurs publics, vus ci-dessus, pose des problèmes de taille :
- Le financement par les collectivités territoriales.
Le vote du budget par le parlement remet en cause la libre administration des collectivités qui est constitutionnelle. Des scénarios pour outrepasser sont à l’étude.
- Sévère ponction des retraité-e-s : avalanche de taxes, impôts,….
Macron – Castex – Le Maire ont martelé : « pas d’augmentation des impôts », promis, juré. Pourtant les retraité-e-s risquent une avalanche d’impôts sur le revenu, de CSG, de suppression de « niches » tous azimuts. – en plus de la non revalorisation des pensions -. Parmi beaucoup d’autres la proposition de taxer ceux qui n’ont pas de loyer à payer revient. On pourrait aussi verser la TVA sur le caviar qu’on n’a pas acheté !
- Ponction sur le fonds de réserve des retraites !
- Et pour les actifs, une 2ème journée dite de « solidarité », davantage de CSG, et même une ponction sur l’ex 1% logement !
- Des « économies » sur les prestations, notamment l’allocation Adultes handicapés, l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie)…
- La proposition commune de la Mutualité française et des assurances privées qui vise à obliger à souscrire des assurances n’est pas retenue. La raison fournie pour ne pas la retenir – à ce jour – c’est qu’elle deviendrait un symbole capable à elle seule de mobiliser largement. Les assurances « volontaires » seront encouragées.
- Cependant il reste que la « 5ème branche »dite de la Sécurité sociale pourrait comporter des financeurs PRIVES dès le PLFSS 2021 !
- La règle d’or. Il ne s’agit pas de satisfaire les besoins démocratiquement déterminés mais de tenir les équilibres budgétaires.
- Une alternative : le 100 % Sécu, dont la prise en charge de la perte d’autonomie dans la branche maladie de la Sécurité sociale qui en assure déjà la majorité du financement.
Fermeture et privatisation des USLD (***)
Il reste encore 31 000 lits que le rapport propose de fermer et remplacer par les EHPAD
(*** Unités de Soins de Longue Durée)
Pas d’objectif d’embauches
Contrairement au rapport Libault, pas d’objectif de recrutement dans le rapport Vachey
Il manque 200 000 embauches en EHPAD pour avoir un taux d’encadrement comparable à l’Allemagne qui est pourtant un modèle d’orthodoxie budgétaire. D’où la maltraitance institutionnelle qui n’est niée par personne.
Le rapport Libault proposait 60 000 embauches, le rapport Vauchey rien sur le sujet. Après le Ségur rien de changé, au contraire la situation empire encore.
Rien non plus sur les salaires, la formation, les conditions de travail. Globalement les propositions entérinent un sous financement par rapport aux besoins
Pas de service public
Il y a beaucoup de margoulins qui exploitent personnels et personnes âgées en position de faiblesse. Il faut un grand service public de l’aide à l’autonomie, en établissement comme à domicile, avec du personnel formé, qualifié et correctement rémunéré, des embauches massives.
Pas de 100 % Sécu
Il s’agit plutôt d’achever la Sécurité sociale. La réforme vise surtout à faire rembourser par les actifs, chômeurs, retraités, les aides aux entreprises, les déficits résultant des licenciements massifs.
On ne veut pas de cette réforme. Elle doit être abandonnée
PC, PS, FI ont voté contre la loi organique. De même CGT, FO, FSU, Solidaires,…se prononcent fermement CONTRE cette réforme.
Il y a une alternative largement soutenue par beaucoup d’organisations :
- La prise en charge de la perte d’autonomie par la branche maladie de la Sécurité sociale, dans le cadre du 100 % Sécu.
- La création d’un grand service public de l’aide à l’autonomie.