Communiqué de presse du Comité national de Santé publique Jeudi 25 juin 2020

Communiqué de presse du Comité national de Santé publique Jeudi 25 juin 2020

Ni responsable, ni coupable ! Un ligne de défense inacceptable.

Les auditions de la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur« l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus » se poursuivent cette semaine avec une nouvelle passe d’armes attendue autour de l’hydrochloroquine. La Commission reçoit en effet successivement Didier Raoult mercredi 24 juin puis Katia Lacombe jeudi 25 juin.

Cette polémique, relancée la semaine dernière par la parution du livre du professeur Péronne (Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise ?, Albin Michel), risque une fois de plus de faire écran aux manquements et aux défaillances du gouvernement que la Commission a la charge d’identifier. Or ce n’est pas la question de la chloroquine qui constitue le principal problème.

Le spectacle donné d’une recherche médicale malmenée, instrumentalisée, ne devra pourtant pas occulter les auditions importantes de deux anciens directeurs généraux de la Santé, William Dab (2003-2005), professeur d’Hygiène et Sécurité, et Didier Houssin (2005-2011), président du Comité d’urgence créé par l’O.M.S. en janvier). Tous deux en fonction lorsque a été mise en place une première doctrine dans la gestion des stocks stratégiques de « masques », avant le grand « n’importe quoi » de leur gestion depuis 10 ans.

Il faut toutefois espérer que l’audition de l’actuel directeur général de la Santé, M. Jérôme Salomon n’ait pas donné le « la » de la ligne de défense du gouvernement et de l’administration.

La thèse était connue. L’aplomb avec lequel elle a été soutenue ne relève à ce niveau plus de l’arrogance ou de la morgue, mais du mensonge par omission, de la confusion entretenue et de l’aveuglement. M. Salomon a également refusé de répondre à certaines questions (1), un comportement auquel il nous avait habitués lors de ses prises de positions quotidiennes à l’acmé de la crise.

Cette ligne de défense rappelle celle adoptée par les responsables du scandale du sang contaminé.

-Le monde entier aurait été surpris et aucun pays n’aurait été épargné. Cette affirmation péremptoire ignore les différences observées entre la France et des pays aussi différents que la Corée du Sud, l’Allemagne ou le Vietnam, pour ne pas citer la Suisse, Israël ou le Portugal, avec des résultats bien meilleurs en terme de létalité.

Quant aux masques (sujet récurrent de cette première audition), une formule (préparée et qui serait empruntée à Voltaire) tient lieu de réponse : « Avant de savoir, on ne sait pas ! ».

Et pourtant, de cette première audition les éléments factuels suivants :

  • le Directeur général de la Santé connaissait le Rapport d’une commission d‘experts, présidée par le professeur Jean-Paul Stahl, communiqué en septembre 2018 (et rendu public le 20 mai 2019) (2).
  • il savait depuis la même époque (octobre 2018 que le stock stratégique conservé dans les entrepôts de Santé publique France (EPRUS) était inexploitable (une centaine de millions de masques fonctionnels sur les quelques 750 millions encore en stock) ;
  • il savait que le rapport Stahl préconisait en conséquence la reconstitution rapide (dans le courant du deuxième semestre 2019) d’un stock stratégique d’au moins 1 milliard de masques à conserver dans les entrepôts de Santé publique France (EPRUS) à destination de la population en cas de pandémie, les employeurs, y compris les établissements sanitaires, ayant la charge de protéger leurs employés ;
  • Enfin, M. Salomon savait qu’une pandémie de l’ampleur du Covid 19 était possible et attendue : ce que confirme mardi 23 juin William Dab lors de son audition ; ce qui avait motivé l’avis assez définitif formulé par M. Salomon dans une Note à l’intention du candidat Emmanuel Macron dans laquelle il affirmait « La France n’est pas prête ».

Pourtant, malgré cette connaissance de la situation et des menaces de survenue d’une telle pandémie, le Directeur général de la Santé n’a lui-même pas pris de mesure ni en vue de reconstituer le stock stratégique (commande de 100 millions pour un besoin d’un milliard), ni en recommandant aux ministres en charge de la Santé d’enjoindre aux hôpitaux ou aux EHPAD et établissements médico-sociaux de constituer de tels stocks en leurs murs pour l’ensemble des personnels, conformément à le règle en vigueur.

Aux mêmes questions concernant la pénurie des masques et des tests ainsi que celles concernant la restriction par décrets de l’emploi de certaines molécules, la stratégie a été tout au long de l’audition l’esquive, la dénégation et la remise à plus tard d’une réponse plus précise.

. A défaut de propos clairs, M. Salomon s’est systématiquement abrité derrière des avis présentés comme contradictoires sur l‘utilité du port des masques ou sur la chronologie des recommandations de l’OMS qui aurait été scrupuleusement suivie par la France, au mépris de l’intelligence des parlementaires lui rappelant régulièrement une chronologie quelque peu différente.

L’audition de François Bourdillon (3), premier directeur de Santé publique France (2016-2019), a permis de déconstruire nombre des confusions entretenues par M. Salomon.

Il est fort probable que M. Salomon sera à nouveau entendu.

 

Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre mesures médicales face à une pandémie grippale

Mission d’information Covid-19 : Audition de santé publique France

Mission d’information Covid-19 : Audition de Jérôme Salomon, directeur général de la santé