TEXTE DE JEAN-CLAUDE MARX
Pourquoi l’incurie et les choix politiques des gouvernants qui se succèdent depuis plus de trente ans m’amènerait à être condamné à mourir du COVED 19
J’ai 75 ans, j’ai subi il y a 18 ans un triple pontage coronarien dont je me suis remis, en début d’année j’ai fait face, avec succès, à un cancer des amygdales, à chaque fois j’ai été pris en charge par l’hôpital public. Mais si j’en crois les tendances actuelles, en cas de contamination du coved 19, je serais classifié « personne à risques » et je serais dans la catégorie ou des médecins par manque de moyens, de personnel, pourraient se poser la question de me laisser mourir, de choisir entre moi et un autre malade, plus jeune, qu’il faudrait essayer de guérir.
Même si je suis conscient qu’un jour ou l’autre il me faudra bien mourir, cette situation me révolte, m’indigne, je me sens humilié que mon pays une des premières puissances économiques mondiale, qui fut et qui est encore un exemple aux yeux de milliards de personnes dans le monde pour ses services publics et en particulier son service public de santé, en soit arrivé à contraindre les médecins du service public à gérer ce type de dilemme.
Quels choix idéologiques, politiques face à une pandémie annoncée comme probable depuis plusieurs mois, nous ont amené à cette situation?
Je suis stupéfait lorsque j’entends le Président de la République, les ministres actuels expliquer doctement que cette situation était imprévisible, incontrôlable… C’est pourtant lorsque le président actuel était ministre des finances en 2008 qu’a été décidé d’imposer 8 milliards d’euros d’économies sur les budgets des hôpitaux publics. C’est en 2014 que le même gouvernement a laissé le laboratoire Sanofi, qui perçoit chaque année près de 110 millions d’euros de crédit d’impôts, fermer son centre de recherche spécialisé dans les maladies infectieuses basé à Toulouse.
Je suis excédé d’entendre les discours officiels, via les média qui au nom du principe de l’unité nationale visent à nous faire accepter avec fatalisme, à ne pas réfléchir, ne pas débattre des causes et des responsabilités! Bref le message est clair « subissez sans réagir ». « Acceptez les conséquences du démantèlement des hôpitaux »
Je récuse ses arguties qui portent en creux l’idée que ce qui arrive n’aurait pas pu être traité autrement, que d’autres mesures n’auraient pas pu être prises (généralisation du port des masques, tests et confinement généralisé…)
Le gouvernement actuel, comme tous ceux qui se sont succédé depuis des décennies, est responsable, parce que ses choix politiques sont tous guidés par les dogmes européens d’austérité, de la diminution des dépenses publiques, au détriment de la solidarité nationale, de l’intérêt général et au prix de la remise en cause de la sécurité sanitaire des populations.
Depuis des années les personnels de santé, les associations d’usagers n’ont pas été discrets pour alerter, démontrer combien ces choix étaient dangereux. J’ai en mémoire une banderole des infirmiers lors d’une manifestation fin 2019 <vous compter les sous, nous compterons les morts>. Cette réalité nous claque en pleine face.
Quelle honte de voir le ministre qui a fait voter la suppression de l’ISF aujourd’hui appeler les citoyens à faire des dons pour sauver l’économie ? Notre pays est riche, c’est une des plus grandes nations économiques, des milliards sont orientés vers la spéculation, l’évasion fiscale, pourquoi ne pas agir sur ces leviers plutôt que de faire la quête ? En novembre dernier c’est ce même gouvernement dans le budget santé 2020 qui a fait voter, par tous les députés de sa majorité une ponction supplémentaire de 800 millions d’euros sur le budget des hôpitaux. Quel crédit accordé à une ministre de la santé qui en en novembre dernier expliquait avoir atteint la limite des possibilités budgétaires en annonçant, devant la mobilisation des personnels une rallonge de 200 millions d’euros pour les hôpitaux et celles du ministre de l’économie qui récemment a annoncé un montant des dépenses de 4 à 5 milliards pour faire face à l’épidémie
Je suis ulcéré lorsque j’entends les députés, les sénateurs (de droite et du PS anciens et nouveaux,) déplorer l’état des hôpitaux publics, s’apitoyer compatir sur le sort des soignants. Mais qui depuis 1975 a voté, tous les budgets de la santé en n’ayant de cesse de diminuer les budgets des hôpitaux, entrainant la suppression de milliers de postes de soignants, la fermeture de 100 000 lits, la disparition dans les hôpitaux de proximité de services de médecines, de chirurgie, l’organisation de la pénurie de médecins avec le numérus clausus.
L’urgence aujourd’hui doit être de consacrer, sans calcul, coute que coute, tous les moyens disponibles pour répondre aux besoins et garantir à chacun quelque soit son âge, son lieux de domicile, sa situation sociale, d’être pris en charge dans tous les hôpitaux en étant assurés de l’être dans des conditions qui garantissent de bénéficier des moyens essentiels à sa guérison.
« Au jour d’après » que nous promet le président, qu’en sera-t-il de la politique publique de santé : santé business ou santé publique ?
Après avoir salués les soignants, il faudra descendre des balcons pour continuer d’exprimer dans les urnes et s’il le faut dans la rue nos exigences d’un nouveau service public de santé.