Alors que la crise sanitaire s’amplifie et que les mesures de confinement touchent l’ensemble du territoire, la Seine-Saint-Denis est comme trop souvent à la fois stigmatisée et victime des politiques libérales qui ont précarisé ses habitant-es et détruits ses services publics.
Stop au mépris de classe
Nous dénonçons avec force le traitement médiatique et policier qui est fait de notre département. Une partie de la presse et de la classe politique s’est en effet indignée de voir les manquements au confinement dans certaines villes du 93, dénonçant le manque de civisme, l’irresponsabilité ou la bêtise de leurs habitant-es, appelant pour certains à une répression plus sévère, tandis que les témoignages de violences policière s’accumulent.
On ne les a en revanche pas entendu-es appeler à la répression des parisien·nes fortuné·es parti·es en masse dans leur maison secondaire à la campagne ou à la mer (15 à 20 % des habitant·es du 16e arrondissement ont fui) afin d’éviter les mesures de confinement. Le risque de ces attitudes étant de diffuser le virus dans des régions qui ne sont pas prêtes en termes de moyen à accueillir une importante population dans les hôpitaux.
Si le respect du confinement et des « gestes barrière » est une priorité, il est bon de rappeler qu’il est plus facile de rester confiné dans sa maison de campagne, dans son jardin, ou dans son grand appartement que lorsqu’on vit à 5 dans 30 m². Les amendes et la répression policière, doublées du mépris médiatique des classes populaires sont bien la continuité de la politique de classe menée en permanence par les gouvernements successifs : désigner les pauvres comme coupables, alors que les riches trichent, mentent, volent à grande échelle et restent très largement impuni-es.
La crise ajoute à la crise
En Seine-Saint-Denis comme dans de nombreux centres urbains le confinement est difficile. Mais plus qu’ailleurs l’état des services publics est dramatique. Les hôpitaux sont très largement sous-dotés : manques de lits, de machines de réanimation, de masques, de gel hydroalcooliques, de tests, et également de personnels !
A cela s’ajoute une population plus pauvre, plus précaire, et donc en plus mauvaise santé qu’ailleurs. Quand on sait que la gravité du COVID-19 explose pour les patient-es atteint-es d’autres affections cela laisse craindre un débordement rapide des hôpitaux du département.
Cette précarité de la population rend parfois le confinement lui-même insupportable. Entre les logements sur-occupés, trop petits, insalubres, les hôtels sociaux et les squats, une partie de la population ne peut simplement pas rester enfermée chez elle, où c’est déjà « la crise sanitaire » toute l’année et y être confiné est synonyme de souffrance et de mise en danger.
Et le COVID-19 ne fait qu’accentuer ces problèmes. Seuls 22 centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) restent ouverts sur les 114 du département, les transports publics sont réduits à leur minimum empêchant les personnes non motorisées de se déplacer pour leurs courses ou leurs rendez-vous médicaux, les mineur-es placé-s sont incité-es à retourner dans leur famille, les EHPAD manquent de matériel de protection y compris pour les pensionnaires rentrant de l’hôpital, les enfants sont nombreux à ne pas avoir chez eux le matériel ou les conditions nécessaires pour l’enseignement à distance… Il est certain que plus la crise durera, plus ses conséquences sociale et sanitaires seront profondes dans le 93.
N’oublions pas non plus les chômeur-se-s, nombreux-ses dans notre département, qui sont appelé-es à continuer à faire comme si de rien n’était par Pôle emploi en continuant leur recherche de travail et sans que soit envisagé un report des jours d’indemnisation. Cela entraine un vrai danger pour ceux qui continueraient à chercher de l’emploi, mais aussi une angoisse profonde pour ceux qui ne peuvent pas le faire.
Les travailleuses et les travailleurs exposé-es
En Seine-Saint-Denis comme ailleurs, alors que la majorité de la population est confinée chez elle depuis une semaine, certain·es sont appelé·es à continuer le travail pour le bien commun
Dans les services publics, les soignant·es et les enseignant-es qui gardent leurs enfants, les administratifs qui permettent aux services de rester ouverts, les cheminot-es et machinistes qui les transportent, les pompiers et autres services d’urgence…autant de salarié·es qui voient aujourd’hui leur travail applaudi par les mêmes politicien-nes qui ont détruit depuis plusieurs années et avec force leurs outils de travail.
Ce sont les mêmes salarié·es qui ont fait grève pour un plan d’urgence pour les hôpitaux, pour des moyens dans l’éducation et contre une école à deux vitesse, contre la casse du service public ferroviaire, contre la casse de leurs retraites…Les mêmes qui ont été méprisé-es par le pouvoir, insulté-es publiquement, réprimé-es et tabassé-es par la police, poursuivi-es au tribunal.
Et ils et elles ne sont pas seul-es.
Dans le privé, si des entreprises sont à l’arrêt ou au ralenti, d’autres sont toujours actives voire redoublent d’activité. Les salarié·es des commerces alimentaires, de la logistique et du transport, mais aussi les livreurs, ceux du BTP, des usines qui n’ont pas fermé, les auto-entrepreneurs… Autant de secteurs dans lesquels la précarité et les bas salaires sont trop souvent la règle et où les salarié-es se retrouvent eux aussi en première ligne : exposé-es au virus car indispensables, car leur patron refuse de fermer, ou car ils et elles n’auront
aucun revenu si ils et elles s’arrêtent. Pendant ce temps-là les plus hauts salaires sont eux en télétravail, quand ce n’est pas au repos dans leur résidence secondaire.
Pour une action publique à la hauteur
Cette crise sanitaire accentue fortement les injustices et creuse les inégalités. Elle est très largement aggravée par les réductions de moyens des services de santé, par le manque d’anticipation des gouvernant·es qui n’ont pas voulu acheter ou lancer la production des masques, gels et tests nécessaires en temps et en heure, par leurs choix politiques qui favorisent les plus riches au détriment des services publics. Et ce sont comme toujours les classes populaires qui en payent le prix fort, à tous les niveaux.
Au lieu de faire voter des lois réduisant les libertés et les droits sociaux, au lieu de promettre des montagnes d’argent pour la finance, c’est un investissement massif dans les services public qui est nécessaire, la hausse des salaires, la fin de la précarité, des logements décents pour tou·tes, de l’argent pour la recherche publique.
Les richesses permettant de faire tout cela existent, il suffit d’aller les chercher là où elles sont.
Solidaires 93 revendique immédiatement :
– la suspension des loyers, des factures d’eau, d’électricité et de gaz.
– la prise en charge collective du confinement par des actes de réquisition
de logements vides, de centre de colonies de vacances…
– le versement automatique de tous les minima sociaux
– des distributions alimentaires
– la prise en charge à 100 % du salaire en chômage partiel
– le report des jours d’indemnisation du chômage
– des mesures exceptionnelles de prise en charge des mineur·es
– la libération des personnes incarcérées en Centre de Rétention Administrative
– le maintien des lignes téléphoniques et internet
– une communication prenant en compte les personnes en situation de précarité
Saint-Denis, le 23 mars 2020.