Monsieur le Président, cher Eric May,
Madame la Présidente, chère Hélène Colombani (médecin, Présidente de la Fédération nationale des centres de santé),
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus locaux,
Mesdames et messieurs les professionnels de santé,
Mesdames et messieurs les usagers,
C’est un grand plaisir pour moi de répondre à votre invitation ; les interventions lors de ce même congrès de madame la directrice générale de l’offre de soins et du directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie témoignent s’il en était besoin de l’attachement des pouvoirs publics aux centres de santé.
Le thème que vous avez choisi de traiter cette année me tient particulièrement à cœur et vous savez combien le Président de la République et le Gouvernement sont sensibles et attentifs à l’enjeu majeur que représente un service public de santé de proximité, adapté aux besoins de notre temps. Le thème de votre Congrès, cela ne m’a pas échappé, sonne comme un manifeste : « Pour un service public de santé de proximité ».
N’est-ce pas là une évidence ?
D’aucuns s’interrogeraient volontiers : comment être contre ?
Cette évidence est pourtant contrariée par la réalité et l’objet de vos débats lors de ce Congrès prend la dimension d’un défi à relever collectivement. Il suffit pour s’en convaincre de constater les difficultés d’accès aux soins rencontrées par un trop grand nombre de nos concitoyens, provoquant une situation dont nul ne peut se satisfaire et qui nous préoccupe tous.
Le thème de votre congrès souligne, et il est toujours bon de le faire, notre adhésion au service public de santé. Le service public, rappelons la formule consacrée, est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Trop nombreux sont les Français qui, faute de moyens, renoncent à des soins élémentaires. Le Président de la République et le Gouvernement se sont tôt engagés en faveur de l’accès aux soins.
Certains d’entre vous n’auront d’ailleurs pas manqué de relever que l’engagement présidentiel d’une prise en charge à 100% dans le secteur de l’optique, de l’audiologie et du dentaire, s’est concrétisé dans le PLFSS 2019, après un long travail de concertation engagé à l’automne 2017.
Un panier « 100% santé », comprenant des équipements de qualité répondant aux besoins de santé, sera désormais pris en charge à 100% par l’assurance maladie obligatoire. L’absence de reste à charge sera effective dès 2020 pour l’optique et une partie du dentaire et en 2021 pour l’ensemble des secteurs.
Voilà une illustration de « solidarité concrète », qui va changer l’accès aux soins de nos concitoyens, notamment les plus âgés d’entre eux, qui peuvent débourser 850€ de reste à charge moyen aujourd’hui pour une aide auditive ; à compter de 2021, ils pourront accéder à une offre d’équipements sans reste à charge.
Cet engagement pour l’accessibilité des soins est aussi celui des Centres de santé qui, en pratiquant le tiers payant, répondent très concrètement aux situations d’exclusion des soins et accompagnent ainsi les publics les plus vulnérables.
Mais les inégalités ne se résument pas à la dimension financière. Ces inégalités sont aussi de nature territoriale. Le manque de professionnels de santé et de structures de soins dans certains territoires constitue un obstacle majeur pour garantir à chacun un accès à des soins de proximité de qualité. Réduire cette fracture géographique dans l’accès aux soins est un chantier aussi urgent que nécessaire.
Avec le Président de la République, nous avons fait de l’organisation et de la dynamisation des soins de proximité un objectif prioritaire de la stratégie de transformation du système de santé. Il en va de l’égalité de nos concitoyens devant la santé et par conséquent, du respect d’une valeur fondamentale de notre République.
Défendre ce principe implique de regarder en face et d’assumer les évolutions auxquelles est confronté notre système de santé. Vous le savez, le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques ont fait évoluer les besoins de santé de la population et ont complexifié le parcours des patients. Parallèlement, les attentes des professionnels ont, elles aussi, beaucoup changé, ce qui les amène à déserter certains territoires et modes d’exercice.
Pour répondre à ces défis, nous proposons de faire évoluer l’organisation des soins de proximité vers des formes d’exercice plus collectives, mieux coordonnés et qui encouragent les collaborations entre la ville et l’hôpital.
De nombreux travaux académiques le confirment : l’exercice regroupé et coordonné favorise l’amélioration des pratiques, en particulier s’agissant des maladies chroniques. Le travail en équipe, la coordination autour du patient, le caractère pluri-professionnel des CDS comme des MSP, sont les gages d’une prise en charge de qualité.
Les structures d’exercice coordonné, grâce à leur taille, leur capacité organisationnelle et leur pluridisciplinarité peuvent constituer un point d’ancrage, notamment pour le développement de la télémédecine, pour l’augmentation du nombre de protocoles pluri-professionnels, pour répondre aux demandes de soins non programmés ou encore pour renforcer les politiques de prévention dans les territoires.
Plusieurs mesures fortes ont été annoncées pour que l’exercice isolé des professionnels devienne l’exception d’ici 2022. Parmi ces mesures, le doublement du nombre de structures d’exercice coordonné d’ici la fin du quinquennat, annoncé par le Premier ministre en octobre 2017, a été réaffirmé avec force par le Président de la République, lors de son discours sur la transformation du système de santé.
Par ailleurs, 1000 Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) devront être créées à l’horizon 2022 sur l’ensemble du territoire. Les CPTS, qui permettent une coordination souple des professionnels de santé de ville au niveau des bassins de vie se verront confier 6 missions socles :
la réalisation d’actions de prévention,
la garantie d’accès à un médecin traitant pour tous les habitants du territoire,
la réponse aux soins non programmés, c’est-à-dire la possibilité d’obtenir un rendez-vous dans la journée, en cas de nécessité,
l’organisation de l’accès à des consultations de médecins spécialistes dans des délais appropriés,
la sécurisation des passages entre les soins de ville et l’hôpital, notamment pour anticiper une hospitalisation ou préparer la sortie de l’hôpital après une hospitalisation,
le maintien à domicile des personnes fragiles, âgées ou poly-pathologiques.
D’ici la fin de l’année, une stratégie nationale de déploiement des CPTS sera arrêtée et des moyens spécifiques leur seront dédiés afin qu’ils puissent réaliser leurs missions. Les Centres de santé auront toute leur place au sein des CPTS et participeront à la réalisation de ces missions.
D’une manière générale, l’engagement dans une forme d’exercice coordonné va devenir la condition pour bénéficier de certains dispositifs et d’appuis financiers de l’Etat et de l’assurance maladie.
La transformation du système et la meilleure organisation des soins de proximité nécessitent aussi de faire tomber les cloisons qui séparent les acteurs des soins et de la santé. Nous devons tout mettre en œuvre pour inciter les professionnels de santé de ville et l’hôpital à davantage travailler collectivement dans les territoires.
Nous devons faire émerger de nouveaux partenariats entre les professionnels de santé de ville, coordonnés au sein des CPTS lorsqu’elles existent, des CDS ou des MSP, et les hôpitaux et services hospitaliers de proximité.
Ces partenariats devront contribuer à la réalisation des missions socles confiées aux CPTS. Des projets de santé de territoire viendront sceller ces engagements pour la santé de la population.
Ces liens entre la ville et l’hôpital, nous allons les soutenir et les encourager. Les incitations seront multiples.
Les professionnels exerçant dans des structures d’exercice coordonné devront avoir un accès facilité aux plateaux techniques et aux consultations de spécialités des établissements et services hospitaliers de proximité.
Nous allons également lever certaines rigidités qui empêchent aujourd’hui un médecin de partager son temps entre la ville et l’hôpital, qu’il soit hospitalier, salarié ou libéral.
La nouvelle organisation des soins de proximité nous oblige enfin à prendre des mesures fortes pour redonner du temps aux médecins, du temps pour soigner et s’investir dans la coordination des soins. Pour cela, nous avons décidé de créer la nouvelle fonction d’assistant médical.
Les missions de ces assistants tourneront autour de la tenue et de la mise à jour codifiée des dossiers médicaux, de l’accueil du patient et de la mesure de ses constantes, de l’organisation et du suivi des rendez-vous post consultation et aussi parfois de l’assistance à la réalisation de certains examens paracliniques, tout cela sous le contrôle des médecins.
Le financement des postes d’assistants médicaux sera réservé aux médecins en exercice regroupé, coordonné et s’engageant à augmenter le nombre de patients suivi. Ce sont les conditions que nous avons fixées et qui devront permettre d’engager les discussions pour définir les contours exacts de ces nouvelles fonctions. Le processus de déploiement des assistants médicaux fera une place aux centres de santé, en donnant la priorité aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux zones sous-denses.
Par ailleurs, Cécile Courrèges l’a rappelé ici-même hier, vous aurez aussi votre place dans le déploiement de la mesure annoncée par le Président de la République de 400 médecins généralistes à exercice partagé Ville/hôpital supplémentaires dans les territoires les plus fragiles.
Les centres de santé sont donc, vous ne vous en étonnerez pas, un modèle d’organisation coordonnée qu’il faut soutenir et promouvoir. Ils s’inscrivent pleinement dans le système de santé que nous voulons voir émerger demain et dont nous posons aujourd’hui les fondations.
Dans cette transformation profonde du système de santé que nous amorçons, la prévention, vous le savez, occupe une place centrale. Les acteurs de premier recours que vous êtes aussi seront presque naturellement amenés à jouer un rôle majeur dans le changement de rythme que nous voulons pour la médecine préventive. Cette évolution sera synonyme d’un renforcement de vos prérogatives et de vos missions.
Le constat d’un retard pris par notre pays en matière de prévention s’est accompagné d’un plan historique à l’issue du Comité interministériel pour la santé au mois de mars dernier.
Ce plan « priorité prévention » a traduit, dans le cadre d’une analyse globale et collective, un regard nouveau porté sur l’éducation à la santé et sur la promotion des comportements favorables à la santé.
Dans sa présentation de la transformation du système de santé, le Président de la République a appelé à « une révolution de la prévention, qui ferait résolument passer notre système et vos pratiques d’une approche curative à une approche préventive ». Cette révolution trouve sa justification dans le paradoxe d’un système où l’on soigne très bien, mais où l’on prévient mal.
Le PLFSS 2019 traduit déjà l’ambition placée par le Gouvernement dans la prévention, notamment auprès des plus jeunes, en redéployant les 20 examens obligatoires, aujourd’hui tous réalisés avant les 6 ans, pour couvrir également l’adolescence, comme le recommande le Haut Conseil de la Santé Publique.
Voilà un exemple de prévention dont chacun peut ici mesurer l’impérieuse nécessité. Acteurs de premiers recours et forces motrices de la pluridisciplinarité, les CDS ont vocation à être en tête de la médecine préventive de demain.
Dans le cadre du Plan national de santé publique, les Centres de santé sont ainsi naturellement invités à poursuivre et renforcer leurs activités en matière de prévention.
En particulier, ce plan met l’accent sur certaines priorités en lien avec les 1000 premiers jours de l’enfant : l’importance de la supplémentation en folates pour les femmes enceintes et en désir de maternité, l’importance de réaliser l’entretien prénatal précoce, le repérage des addictions chez les femmes enceintes.
Ce plan recommande par ailleurs de renforcer la prévention et le repérage précoce des atteintes auditives chez les jeunes ou encore de renforcer le dépistage de l’hépatite C dans l’optique de son éradication, et d’amplifier enfin la détection précoce des cancers de la peau dont l’incidence est en augmentation. Dans l’ambition que nous portons pour la prévention, vous êtes, passez-moi l’expression, en première ligne.
Les CDS représentent par ailleurs un point d’appui déterminant dans la structuration des soins primaires. J’en suis convaincue, l’engagement traditionnellement fort des CDS dans la vie de leur territoire en fera un socle majeur pour le déploiement des CPTS dans les années à venir, pour répondre aux besoins de la population dans les territoires.
Je sais que la notion de « responsabilité populationnelle » qui constitue l’un des principaux mots d’ordre de l’organisation des soins de demain, vous est depuis longtemps familière.
Les CDS sont en effet déjà, le plus souvent, signataires d’un contrat local de santé, voire d’un contrat local de santé mentale. Ils sont généralement intégrés dans un réseau partenarial dense, terreaux favorables à l’émergence de dynamiques territoriales plus avancées avec les autres professionnels de santé du territoire.
En particulier, les CDS sont les fers de lance du décloisonnement entre la ville et l’hôpital appelé de ses vœux par le Président de la République lors de la présentation de la réforme du système de santé, que je me permets de citer ici : « que tous les professionnels d’un territoire s’engagent, travaillent ensemble et portent une responsabilité collective vis-à-vis des patients et de la population ».
Voilà le cap qui est fixé et qui nous invite tant à l’intelligence collective qu’à des organisations plus coopératives.
Les CDS ont déjà ouvert la voie, si vous me permettez l’expression, puisque plus de la moitié d’entre eux déclarent d’ores et déjà travailler en partenariat avec au moins un établissement de santé de leur territoire.
De nombreux projets de partenariat se développent et je pense par exemple ici à la Convention récemment signée entre l’AP-HP et le Centre municipal de Santé de Gennevilliers. Ces projets permettent de proposer des consultations médicales spécialisées supplémentaires , d’accéder aux plateaux d’imagerie médicale, de recueillir par télé-expertise l’avis de spécialistes hospitaliers de pointe… Ces projets doivent être encouragés et ils le seront.
La transformation profonde que nous engageons pour adapter notre système de santé aux enjeux de demain trouvera évidemment dans l’écoute attentive des professionnels de santé la clé de son succès.
La fédération nationale des centres de santé sera bien entendu associée aux travaux nationaux de la STSS, comme elle l’est déjà pour la mise en œuvre du plan d’égal accès aux soins, dont elle a signé la charte d’engagement en ma présence.
Tous les professionnels qui travaillent dans les centres de santé seront aussi mobilisés dans les territoires pour faire émerger ces nouvelles organisations des soins primaires et pour renforcer les liens entre la ville et l’hôpital. Vous le voyez, cette transformation du système de santé ne se fera pas sans vous : vous en êtes tout à la fois les acteurs et les destinataires.
Enfin, penser et préparer la santé de demain, c’est aussi penser à ceux qui la feront et les préparer au mieux. C’est former celles et ceux qui un jour rejoindront vos centres de santé et travailleront à vos côtés. Le décloisonnement des cursus universitaires de santé était, je le crois, primordial. Il constitue un moyen indispensable à l’ouverture sans laquelle le travail collectif demeure un vœu pieux.
« Voir c’est voir, faire c’est savoir », nous enseigne une maxime de la sagesse populaire. Professionnels de santé, praticiens, vous êtes les mieux à même d’éclairer la décision par votre expérience du terrain, par vos échanges et par vos suggestions toujours constructives.
Je sais que vos débats ont commencé hier. Je ne doute pas qu’ils ont été riches et qu’ils le seront encore aujourd’hui.
Je vous souhaite à toutes et à tous, une bonne journée de travail.
Je vous remercie.