RN Luçon Octobre 2008 – les territoires de santé

Atelier 4 – « Les Territoires de santé »

 

Version détaillée

 

Le présent compte-rendu est plus une mise en forme des échanges qu’un ensemble de propositions.

 

1) Le territoire de santé : une notion récente :

– une loi, alors démocratique, de 1961 parle de territoires et de secteurs psychiatriques, selon une définition géo-démographique, rassemblant 75.000 h. ; les décrets d’application ne paraîtront qu’en 1984 ;

-la loi du 13-12-1972 parle de secteurs et régions sanitaires groupant 70.000 à 450.000 h. ;

-l’ordonnance du 4-9-2003 définit le territoire entant que zone d’habitation et de chalandage ;

-dans le projet de loi Bachelot, les CHT – Communautés Hospitalières de Territoire, impliquent une valence géographique (zone de chalandage, voies de communication), une valence économique (arguments marchands), une valence corporatiste (intérêts des grands patrons de CHU – Centre hospitalier Universitaire, des sociétés savantes), une valence politique (le territoire sert la catégorie qui maîtrise la politique) ;

-les secteurs correspondent aux intérêts politiques locaux ; au départ ils étaient proches des sous-préfectures, ce qui faisait environ 430 secteurs, puis leur nombre a été réduit de moitié, avec 1 à 2 secteurs par département.

 

2) Un manque de cohérence :

-manque de cohérence entre les différentes ARH – Agence Régionale d’Hospitalisation ; ainsi la Lorraine ne comporte que 2 secteurs (en Catalogne l’on est passé de 4 à 37, chacun étant doté de moyens budgétaires, avec un territoire autour d’un hôpital) ; il est difficile d’avoir les mêmes définitions selon les régions ; les ARH ne reconnaissent pas l’interrégional ; le problème de la pertinence des découpages se pose : l’hôpital de Valréas est situé à la jonction de 2 régions et de 2 départements ; Ancenis se situe à la jonction entre Loire-Atlantique et Maine et Loire ; l’on ne peut définir les territoires de la même façon selon les régions (la situation de Ruffec et celle d’Ambert ne sont pas les mêmes) ; les ARH ont redéfini les territoires, mais les habitants n’ont pas changé leurs habitudes et les flux réels ne sont pas forcément pris en compte ;

-un critère manque : le critère social, en tenant compte des besoins et de l’offre de soins ; dans certains hôpitaux, en raison des difficultés sociales il y a un nombre important d’admission en non-valeur (ex. de Juvisy), de nombreuses admissions passent par les urgences ; que fait-on des personnes en situation précaire ;

-la Coordination défend la notion de territoire en mettant le CHTP – Centre Hospitalier Territorial de Proximité au centre d’un bassin de population, en prenant en compte l’importance des critères sociologiques et en tenant compte de la pratique des habitants ; pour la Coordination, le CHTP a un rôle de soins, un rôle social et un rôle dans l’aménagement du territoire ; le CHTP a un rôle fondamental pour le diagnostic et l’orientation des patients ;

-certains problèmes ont aussi été abordés :

-rôle des médecins généralistes dans l’orientation des patients sans    conscience du rôle des services publics ;

-cas d’un GIE – Groupement d’Intérêt Économique (Sables d’Olonne) où la ville a investi dans une clinique privée et où l’hôpital public doit pour se financer vendre un site au privé (« en faisant payer les riches par les pauvres ») ; dans d’autres endroits (Arcachon, Lorient) l’hôpital a été construit sur des terrains inconstructibles ;

-les objectifs quantifiés (par pathologie, déclinés par territoires et par établissements, avec des pénalités pour ceux qui s’en éloignent) vont à l’encontre du caractère géographique des territoires.

 

3) Les  effets pervers des territoires :

-chaque révision de la carte sanitaire a entraîné une diminution du nombre des secteurs avec un regroupement des moyens sur les grands centres ;

-la création projetée dans la loi Bachelot de CHT va dans le sens de la concentration ;

-les territoires, puis les secteurs ont été utilisés pour concentrer et non pour un fonctionnement en réseau (en entraînant notamment la fermeture des maternités) ;

-il y a mise en concurrence des territoires et des établissements ; le maillage du territoire a entraîné une désertification croissante, et une concentration croissante de façon absurde ;

-politique fondée sur l’offre ; le projet médical impose déplacement vers un grand centre ; il n’y a pas de logique de soins, mais de profit ; la politique de santé consiste à gérer la pénurie, avec champ libre à la concentration, l’hôpital de proximité étant délaissé ;

-logique dangereuse de la T2A – Tarification À l’Activité : pour remédier au déficit, tendance à augmenter l’activité en « piquant » la clientèle aux voisins ; outre la T2A, la logique de certification et d’accréditation va permettre de nouvelles fermetures pour n’avoir plus que 300 établissements de santé ;

-la notion  d’hôpital de référence s’accompagne d’une concentration croissante au détriment des hôpitaux de proximité, avec des rivalités croissantes entre hôpitaux, et un jugement de valeur défavorable aux petits hôpitaux (dans le Gers, les hôpitaux autres que celui d’Auch sont transformés en hôpitaux locaux) ;

-les SROS montrent déjà ce qui nous attend ; les CHT prévues dans la loi Bachelot représentent un gros danger pour le service public :

-elles grouperont hôpitaux publics et cliniques privées ;

-pouvoir des directeurs de CHT pouvant déplacer les personnels, en   déplaçant services et équipements lourds ;

-CHT imposées sans tenir compte des flux ;

-en outre, report du financement sur les collectivités territoriales.

 

4) Changer de logique :

-renverser la logique : la logique de l’offre est une logique de concentration ; ne pas partir de l’offre, mais partir de la demande de soins mieux connue de la population ;

-définir les territoires par la demande, le territoire étant basé sur la notion républicaine de service public assurant l’égalité, ce qui s’oppose à la notion de mission en fonction de l’argent donné ;

-réfléchir à ce qu’est un bassin de demande (bassin primaire et bassin subsidiaire) ;

-la FHF – Fédération Hospitalières de France parle de soins accessibles pour tous ; s’il y a des hôpitaux fragiles,  au lieu de les fermer, que fait-on pour les aider ? ;

-la Coordination, depuis sa création, part des besoins et non de l’offre, avec un travail en réseau (notamment pour la Chirurgie et l’Obstétrique) ; la hiérarchisation des hôpitaux est à conserver, mais en sortant de la T2A qui rend impossible un fonctionnement en réseau (en Catalogne, sortie de la T2A, sectorisation en partant des besoins) ; le travail en réseau demande à être réfléchi, comment faire pour déterminer les territoires par rapport aux besoins ; nécessité d’un moratoire pour consulter la population, avec une évolution démocratique pour partir des besoins ;

-territoire : partir de ce qui se passe sur le terrain (la situation n’est pas la même en Lozère, où l’on pourra avoir un territoire de 15.000 h, et la Seine Saint Denis, où il pourra grouper 450.000 h.) ; s’arc-bouter sur la notion de service public, sur les besoins, en évitant la concurrence sur le terrain, ou le combat des urbains contre les ruraux ; cerner les besoins de façon précise (par des Etats Généraux), par territoire ? par département ?

-définir un projet territorial de santé pour répondre aux besoins.

 

 

Version résumée

 

1) Le territoire de santé : une notion récente définie selon des textes de 1961, 1972, 2003, reprise dans le projet de loi Bachelot ; les critères économiques, sinon politiques, l’emportent parfois sur les critères géographiques et démographiques.

 

2) Un manque de cohérence : la définition des territoires de santé manque souvent de cohérence ; le critère social est en fait absent ; la Coordination défend la notion de territoire ; d’autres problèmes ont été évoqués : rôle des médecins généralistes, problèmes immobiliers, contradiction entre territoire et objectifs quantifiés.

3) Des effets pervers : les territoires ont été utilisés pour concentrer, avec une politique fondée sur l’offre ; l’application de la T2a, la notion d’hôpital de référence ne font qu’accentuer cette logique de concentration ; les CHT prévues dans la loi Bachelot présentent de graves dangers et accentueront la concentration.

 

4) Changer de logique : il faut partir de la logique de la demande, en s’efforçant de connaître le mieux possible, par une consultation de la population, les besoins dans les bassins de demande ; la Coordination est toujours partie de la demande, en défendant le travail en réseau qui n’est possible qu’en sortant de la T2a ; il est important de définir partout un projet territorial de santé pour répondre aux besoins.