Rencontres de la Coordination Nationale
Luçon – Octobre 2008
Atelier 1
Exposé sur les aspects juridictionnels
Par Maitre HERMANN – Avocat ayant plaidé pour Lannemezan, Carhaix et Ste-Agrève
Le problème est de faire comprendre que le combat est très difficile.
On ne statue pas en équité, on statue en droit.
Il y a deux ordres de juridiction:
– le monde public —–droit administratif
– le monde privé
L’État bénéficie de privilèges posés par la loi de séparation des pouvoirs.
Un acte administratif est immédiatement exécutoire (principe régalien)
Il a un caractère effectif en dépit du recours engagé.
—Le juge administratif statue en légalité et pas en opportunité. Il ne peut se substituer à l’administration.
Il n’est qu’un arbitre. La réponse est binaire. Soit c’est légal, soit c’est illégal.
Il ne peut statuer « en politique », c’est à dire selon des considérations humanistes, idéologiques…
—Il peut juger si la décision est légale ou pas dans la forme.
Qui a pris la décision? Quand? Comment?
Est ce que la règle a été respectée?
—Sur le fond:
S’il y a erreur de droit, violation de la loi.
Appréciation: erreur sur les éléments factuels qui ont amené le décideur à prendre la décision. L’exception géographique entre dans ce cadre.
Le délai d’instruction est de 18 mois à 2 ans.
Il existe une passerelle possible : le référé en suspension. C’est une procédure d’urgence, en vue de la suspension des effets de l’acte.
Cette ordonnance de suspension des effets est provisoire.
Quand y a t’il urgence? Il faut démontrer qu’on a un intérêt primordial qui conduit à ce qu’on suspende la décision administrative.
Il faut que le magistrat ait du courage car il est le dernier rempart.
Nous avons un combat entre logique comptable et logique de territoire.
L’exception géographique est une erreur manifeste d’appréciation.
On ne peut mettre une femme enceinte dans un hélicoptère.
On ne peut admettre d’être à plus de 45mn d’une maternité. Cette nécessité vitale prime sur tout le reste.
Il faut lutter contre la désertification médicale au nom du droit et de la légalité.
Il est important de prendre en compte les problèmes de transport.
Aucun hôpital ne respecte les recommandations du CSP (code de la santé publique) à cause notamment du numerus clausus, donc cela ne doit pas être évoqué seulement pour les hôpitaux de proximité.
Nous avons les meilleurs hôpitaux du monde mais seulement sur le papier.
Aucun hôpital ne peut se targuer de respecter les textes et recommandations car on ne trouve plus de médecins : ainsi 35% des postes de radiologues ne sont pas pourvus.
Il y a un déséquilibre réglementaire.
MAIS : la maternité de St-Agrève a dû fermer car il n’y avait pas de radiologue 24h/24 (juge de Lyon)
DONC : la décision dépend du courage du magistrat.
Il faut faire un bilan désavantages/ avantages, une balance entre le CSP et l’intérêt général.
Les juges de Rennes et Pau l’ont mis sur la balance.
A Lannemezan il y a eu exception géographique, idem pour Carhaix d’une certaine manière.
Il y a un problème de partage des compétences entre directeur et président du CA. Il y a souvent de l’hypocrisie chez les directeurs car ils sont notés par l’ARH et la DDASS.
Le directeur de Carhaix va finir à St Laurent du Maroni!
L’administration est pointilleuse et va user de tous les moyens + ou – bons pour arriver à ses fins.
Elle dépend beaucoup des personnalités. Il y a des gens courageux et d’autres moins.
Le problème tient au programme politique et à l’administration véloce avec des personnes zélées.
Il y a un grand travail médiatique d’information à mener par les comités.
Il faut faire très attention à la loi Bachelot; elle amène à la fin des intérêts des citoyens.
L’administration et les médias ont fait croire qu’une personne sur deux mourrait à Carhaix. En fait il s’agissait d’une étude faite sur 48 personnes opérées de plus de 95 ans. 24 sont décédées et c’était prévisible et les autres allaient bien. Si on n’avait pas opéré les + de 95 ans ils ne seraient pas morts sur la table mais on n’aurait pas amélioré la vie de ceux qui ont survécu. On ne nous encourage pas à soigner.
QUESTIONS/REMARQUES:
1- Par exemple un infarctus; si la personne meurt en route, est ce que la famille peut porter plainte?
Me Hermann: Il s’agit là de droit pénal. Il y a non-assistance à personne en danger, mise en danger de la vie d’autrui, coups et séquelles involontaires.
2-On manque de médecins dans certaines régions, et on ne peut, pour les inciter à s’y installer, les payer différemment suivant l’endroit où l’on est.
On ne soigne pas avec le code de la santé public. La morbidité et la pénurie médicale s’organisent car on ne recrute pas de personnel médical.
3-A Luçon la maternité est fermée. La chirurgie ne se fait plus qu’en ambulatoire. Aiguillon est à plus de 45mn hors saison. Peut-on faire quelque chose?
C’était le CH de Luçon qui était demandeur et maintenant il n’existe plus. Quid au point de vue juridique?
Actuellement, pour un hôpital il y a trois sites: une maternité et 2 CPP, alors qu’il ne peut y avoir qu’un CPP/ site.
Me Hermann: Le service public est étouffé par des règles.
Un service fermé pendant plusieurs semaines ou mois ne peut rouvrir car le personnel est parti.
4- Pierre CHEVALLIER (président de CME à Saint-Affrique) a assisté au congrès de la FHF.
On y a parlé de l’intérêt des postes partagés entre CHU et hôpitaux périphériques.
Il y a de plus en plus de possibilités de télémédecine pour la radiologie.
Il faut faire pression sur les élus pour qu’ils demandent que ces 45mn passent en amendement.
Le numérus clausus ayant ré-augmenté, on recommence à envoyer des internes à former dans les hôpitaux périphériques.
5-André LACHARD, Valréas: Pour Valréas, le comité de défense a saisi le tribunal administratif. La mairie l’a fait aussi, le CA l’a demandé au directeur. Est-ce que la communauté des communes a intérêt à s’y joindre?
Me Hermann:
Les ARH manient la rumeur, la diffamation, la xénophobie.
Les postes partagés et les rapprochements de CME sont la voie d’avenir.
6- Juvisy : A la distance, il faut ajouter les heures d’attente aux urgences.
Me Hermann:
Quand le juge a fait retirer la décision, l’ARH la retire et il faut fonctionner en attendant la nouvelle décision. C’est là qu’est le combat.
Il faut faire pression pour faire diminuer le pouvoir des directeurs.
Il faut maintenir les CA.
7-Il faut faire attention au danger de manipulation des chiffres et à l’intox de la population.
8-Un médecin: Si on ferme les hôpitaux de proximité la formation universitaire des généralistes va diminuer.
9-Comité de RUFFEC: A Ruffec, il y a un poste vacant de chirurgien. Ce poste a été publié au JO. Nous avons eu 5 candidatures. Un candidat a été gardé mais le poste a été gelé par l’ARH sur demande du directeur. Que faire?
Me Hermann: S’il y a politique d’obstruction de l’ARH et de la direction, la CME doit bouger ainsi que le président du CA et le médecin concerné.
Il faut mettre en demeure le directeur.
Il y a obligation de fournir tous les moyens pour la sécurité des patients.
Il y a carences financières, en médecins (suite au numerus clausus) et en infirmières.
Le combat doit être politique, au sens le plus noble du terme. Il y a un travail de relai à faire par les élus qui peuvent demander recours devant le Conseil Constitutionnel.
L’exception géographique élude le problème de la réforme.
10- Jean-Claude MARX, comité d’AUCH:
Comment devancer les choses?
Comment jouer notre rôle en amont pour aller à la pêche aux infos?
A l’hôpital d’Auch, 13 postes sont non pourvus.
Pour les AVC: ils sont pris en charge la semaine mais pas les week-ends.
11- Comité de CLAMECY: « Monsieur, on a le droit à 4 morts/an » le directeur de l’ARH!!!
Un bébé est mort hier sur le trajet que sa mère a dû faire pour aller accoucher. Le comité peut-il intervenir au pénal?
Me Hermann: Nous sommes dans un État de droit. Nous sommes là dans la conséquence directe dommageable de ces restructurations.
Le problème de la mort de ce bébé est un dossier complexe. Attention à l’émotionnel!
Attention à la justice pénale. C’est une boite de Pandore.
Celui qui peut se plaindre est celui qui subit un préjudice public et certain.
2 possibilités:
-Porter plainte contre X
-Porter plainte avec constitution de partie civile. Si l’affaire est classée, le plaignant peut être accusé de dénonciation calomnieuse et devoir faire 7 ans de prison. Cette procédure est dangereuse.
Le mieux à faire est de jouer médiatiquement et politiquement.
Le juridique n’est qu’un outil.
12- Françoise NAY, comité d’Ivry:
Le jugement du tribunal administratif conforte la mobilisation locale.
Attention au pénal: les retombées peuvent se faire sur les professionnels au lieu de l’ARH
Il faut exiger des enquêtes et évaluations de la part du SROS.
Sensibiliser les élus qui ne vont plus être présidents des CA.
Demander le nombre d’accouchements sur les routes.
Me Hermann : Le pénal pour « mise en danger de la vie d’autrui » fait peur aux directeurs.