Programme Thouars 2005

 

Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité
Association loi 1901
Hôtel de ville 12400 Saint-Affrique

 

PROGRAMME

DE LA COORDINATION NATIONALE

POUR UNE POLITIQUE DE SANTÉ

RESPECTANT TOUS LES CITOYENS

– Version longue –

 

Janvier 2005

 

 

La Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité est née à St Affrique en avril 2004.

Elle prolonge un fort mouvement citoyen de tout un bassin de vie entré en rébellion contre le non-respect des promesses faites et le mépris de la part des autorités de tutelle.

Elle a été fondée en regroupant divers mouvements analogues, puisque sa première annonce officielle eut lieu à Lure en janvier 2004, autre bassin de vie dramatiquement touché par les réductions des services publics de proximité et engagé dans le même type de combat. Elle regroupe aujourd’hui plus d’une soixantaine de comités, en lien avec de nombreuses associations défendant des positions similaires.

Cette Coordination Nationale se doit maintenant, en association responsable, de compléter son action en devenant force de propositions. Cette synthèse a vocation à devenir  » le programme  » de la coordination.

Un fort sentiment d’abandon et d’injustice est vécu par les habitants et les élus des territoires isolés ou menacés par des tentatives de fermeture de leurs services publics ; récemment, 260 élus de la Creuse ont menacé de démissionner et 63 % des maires des communes de moins de 2000 habitants les approuvent (source IFOP).

 » L’appel à la résistance  » de la Coordination Nationale, texte fondateur d’avril 2004, a fédéré 55 comités de défense provenant de presque toutes les régions de France.

A l’issue des 3 Assemblées Générales (Saint-Affrique en avril 2004, Ambert en mai 2004, et Lure en novembre 2004) auxquelles ont participé de nombreux citoyens et de nombreux élus, la commission réflexion a fait la synthèse de ses travaux et l’a enrichi des différentes publications dont le rapport du Conseil Economique et Social * intitulé  » Aménagement du territoire et établissements de santé  » et les 10 propositions de l’APVF**. Cette réflexion permet d’analyser les causes de la détérioration de notre système de santé et de proposer des solutions pour y remédier.

Le constat

Malgré la reconnaissance du système de santé français par l’OMS comme l’un des meilleurs du monde, les rapports dénonçant les failles, voire sa faillite, se suivent. De plus en plus de citoyens sont laissés sur le bord du chemin de ce système basé essentiellement sur une analyse économique libérale et sur des conditions trop exclusivement budgétaires.

La Coordination dénonce cette destruction d’un bien commun par un petit groupe de décideurs. Le système de santé appartient à la Nation et un de ses objectifs principaux doit rester le respect de l’égalité de tous les citoyens face à l’offre de soins. Or, force est de constater que loin de se réduire, les inégalités se creusent, tant socialement que territorialement. Quand les  » décideurs  » n’ont de regards que pour les  » pôles d’excellence  » que proposent-ils pour les autres citoyens ? Des gouffres d’incompétence et des trous sanitaires !!!

Cette désertification se présente sous la forme des fameuses  » zones blanches  » qui menacent aujourd’hui la plupart des régions rurales et semi-rurales de notre pays ?

Les inégalités sont connues, chiffrées et analysées. Elles sont avant tout, sociales et géographiques. L’espérance de vie est fortement liée à la classe sociale et à la provenance géographique des patients. Un  » décideur  » parisien vivra près de 10 ans de plus qu’un ouvrier du Nord ou qu’un paysan du massif central.

Nos objectifs

Les citoyens qui vivent dans ces zones  » abandonnées  » refusent et s’opposeront par tous les moyens à cette  » fatalité « . La grandeur d’une Nation est d’accorder les mêmes droits à tous ses citoyens en réduisant les inégalités.

 

L’objectif prioritaire de la santé publique doit être l’égalité devant l’offre de soins parce qu’elle est inscrite dans la devise de la République et dans la loi.

 

Après trente ans de planification, l’échec est patent. Les inégalités n’ont jamais été aussi importantes et s’aggravent chaque fois que l’État ferme une petite maternité ou un petit hôpital.

Les causes de l’échec de la planification

Elles sont multiples, le rapport du Conseil Economique et Social pointe plusieurs causes que nous avions également mises en évidence :

 

1) La planification est faite non pas en partant des besoins de la population, mais en partant de l’offre de soins existante

 

Cela était vrai du temps de la carte sanitaire (élaborée non pas en fonction des besoins de la population d’un département mais en fonction du nombre de lits d’hospitalisation existants) et cela est encore plus vrai avec la T2A (ou TAA = Tarification À l’Activité) contenue dans le projet  » Hôpital 2007  » qui valorise l’activité existante et non celle répondant aux besoins de la population.

 

  • La planification ne prend pas en compte les données épidémiologiques et géographiques

 

La décision de fermer un hôpital n’est pas prise sur des données d’éloignement ou de temps de transport pour accéder à une structure de soins mais sur des critères économiques de recrutement de patients ou de médecins, alors même que ces recrutements sont artificiellement fragilisés, voire compromis, par les menaces de fermeture que l’Etat fait peser sur ces structures.

Par ailleurs l’incidence du vieillissement de la population et de la répartition géographique des personnes âgées n’est pas prise en compte.

 

  • Les planificateurs disposent d’outils non pertinents

 

 

La classification des hôpitaux est obsolète et ne correspond pas à la réalité, l’analyse géographique est inexistante.

 

Nos propositions

Lutter contre les inégalités en maintenant

et en rétablissant un maillage du territoire

par un réseau de structures de soins

graduées en différents niveaux

 

Cela impose :

 

  • De contester vigoureusement les  » idées fausses  » véhiculées par les tenants de cette  » pensée unique  » qui fait de la santé une marchandise comme une autre, ce qu’elle ne peut absolument pas être,
  • De définir les besoins de la population dans chaque discipline,
  • D’élaborer d’une classification des structures de soins qui corresponde à la réalité et qui soit utilisable,
  • De disposer d’outils géographiques permettant d’appréhender la notion de temps de transport et de territoire de santé,
  • D’exiger les moyens financiers et humains pour chaque niveau d’établissement de santé afin que tous puissent envisager l’avenir autrement qu’en terme de survie,
  • De mettre en place une véritable démocratie sanitaire dans laquelle les citoyens soient réellement participants et non représentés par des  » usagers professionnels « .

 

  1. Contester les  » idées fausses  » véhiculées par les tenants de la  » pensée unique « 

Non, les hôpitaux de proximité ne sont pas à l’origine du déficit de la Sécurité Sociale.

Les 400 hôpitaux de proximité ne représentent que 5 % du budget national des hôpitaux. Quand un petit hôpital est fermé, les patients qu’il soignait nécessitent toujours des soins qui ne pourront être délivrés que dans un hôpital plus éloigné. Ceci engendre des frais de transport nouveaux ou supplémentaires et augmente les risques inhérents à ces transports.

Les populations isolées sont souvent âgées et dépourvues de moyens de transport collectif ou individuels. L’augmentation récente des frais de transport (+ 32% entre 2000 et 2003 selon la cour des comptes) est certainement liée en partie à ce phénomène.

Non, fermer les petits hôpitaux n’est pas un bon moyen pour lutter contre la pénurie de médecins spécialistes.

L’expérience montre que, quand une maternité ferme, les gynécologues-obstétriciens s’installent le plus souvent dans la même ville mais dans le secteur libéral et ne rejoignent pas les maternités des villes les plus proches contrairement aux femmes enceintes qui elles, apportent une surcharge de travail à l’équipe de ces maternités.

Non, aucune étude n’a montré de relation entre qualité et volume des actes (cf. rapport du Conseil Economique et Social).

Les études anglo-saxonnes sont issues du monde de l’industrie et ont été extrapolées au monde hospitalier. Même si intuitivement, il paraît évident qu’il y a forcément un  » effet seuil  » en dessous duquel un acte pratiqué de façon trop exceptionnelle ne peut l’être dans des conditions optimum, la définition de ces seuils n’a rien de scientifique.

Par exemple, dans certains états des Etats-Unis, une maternité est maintenue jusqu’à 100 accouchements par an, alors que ce seuil est de 300 accouchements par an en France.

Non, il n’est pas acceptable de ne citer que partiellement le texte du rapport du Centre de Recherches d’Etudes et de Documentation en Economie de la Santé – CREDES.

En effet la deuxième partie du texte entre parenthèses  » sauf cas évident d’urgence vital  » souvent « oubliée  » inverse totalement le sens de la phrase de la première partie, largement repris dans de nombreuses publications,  » qu’il n’y a pas de preuve directe de la relation entre distance et mortalité « 

Cela reviendrait à dire  » qu’il n’y a pas de preuve directe de l’utilité des ceintures de sécurité (sauf en cas d’accidents)  » !!!

Non, il n’est pas démontré que les regroupements soient générateurs d’économies d’échelle.

Par contre le préjudice économique, social et humain est largement prouvé pour les zones et les populations victimes de ces décisions.

 

  • Définir les besoins de la population dans chaque discipline en tenant compte des impératifs de sécurité et de confort

 

Les besoins en terme de sécurité ont été définis par différentes sociétés savantes.

Les obstétriciens ont défini 4 niveaux de maternité pour la prise en charge des parturientes. Cette classification en 4 niveaux doit pouvoir servir de modèle pour toutes les spécialités car, d’une part, elle correspond à la réalité du terrain et, d’autre part, elle est utilisée par les autres pays européens.

Nous allons décliner ci-après ces niveaux pour les principales spécialités hospitalières et en définir plus précisément le contenu.

Les maternités

Toute femme enceinte doit pouvoir être prise en charge par une équipe obstétricale dans un délai de 45 minutes à partir de son domicile (collège d’experts pour l’élaboration du SROSS).

Ce n’est qu’ainsi que la mortalité périnatale pourra diminuer.

Les discours sur les pôles d’excellence n’apportent pas de solution : les meilleurs médecins du monde ne pourront pas sauver un nouveau-né ou sa maman victime d’une hémorragie cataclysmique dans une ambulance des pompiers et arrivée exsangue à la maternité.

La principale cause de mortalité maternelle est l’hémorragie de la délivrance : il est absurde et même criminel de vouloir lutter contre elle en projetant de fermer des structures qui répondent à cette impératif de sécurité comme St Agrève (Ardèche) ou Ambert (Haute-Loire) !

Les 4 niveaux de maternités proposées par les obstétriciens sont :

 

– Le Centre Périnatal de Proximité – CPP

Les femmes n’y accouchent pas, mais la préparation et le suivi des grossesses sont assurés par les sages femmes. Dans certains de ces centres, les femmes reviennent le lendemain de leur accouchement (L’Abresle). Ces CPP améliorent le confort des patientes mais ne renforcent pas la sécurité et ne peuvent, en aucun cas, remplacer une maternité jugée indispensable (pas d’accouchement, pas de possibilités de césarienne en urgence, pas de dépôt de sang)

 

La maternité de niveau 1

 

Les femmes y accouchent à l’issue d’une grossesse non compliquée (80 % des grossesses).Outre la préparation, le suivi des grossesses et l’accouchement, ces maternités, dotées d’une équipe médicale d’obstétriciens-anesthésistes-pédiatres, réalisent les césariennes et les soins en urgence et sont dotées d’un dépôt de sang.

 

La maternité de niveau 2

 

La structure hospitalière est dotée en plus d’un service de soins intensifs néo-natals permettant de prendre en charge une partie des grossesses à risques.

 

La maternité de niveau 3

 

La structure hospitalière dispose de toutes les spécialités permettant de prendre en charge les grossesses pathologiques les plus lourdes.

 

De cette classification découle l’architecture du maillage territorial :

 

  • Aucune femme enceinte ne doit être à plus de 45 minutes d’une maternité d’au moins de niveau 1
  • Aucune femme enceinte ne doit accoucher dans une structure éloignée de plus de 1 heure 30 d’un niveau 2 (transferts in-utéro)
  • Le nombre de place en maternité de niveau 3 doit être suffisant pour pouvoir hospitaliser en permanence les grossesses pathologiques issues des autres maternités, (on ne devrait plus voir des jumeaux séparés de 300 kms par manque de place !)
  • La création des CPP doit permettre de faciliter la prise en charge et le suivi des grossesses. L’éloignement ne doit en aucun cas être à l’origine d’un mauvais suivi des grossesses.

 

Il est impératif que ce maillage à 4 niveaux fonctionne en réseau.

 

 

Les Urgences et les SAMU et SMUR

 

Tout citoyen doit pouvoir être pris en charge par un service d’urgence dans les 45 minutes (collège d’experts pour l’élaboration des plans urgences).

La prise en charge des infarctus, des Accidents Vasculaires Cérébraux et des urgences vitales chirurgicales doit être faite au plus vite. Chaque quart d’heure compte pour sauver un cœur ou un cerveau.

Il est inadmissible de supprimer des services d’urgences quand cela éloigne des patients à plus de 45 mn d’un centre hospitalier, d’autant plus que les experts, en ce domaine, situent l’objectif à atteindre à 20 mn.

Créer à grands frais dans le même temps des pôles d’excellence pour les populations nanties des centres-villes va à l’inverse de la lutte contre les inégalités.

De même que pour les maternités, 4 niveaux de prise en charge peuvent être identifiés :

 

– Niveau local

 

Les petites urgences (points de suture, entorses) et les urgences médicales simples sont prises en charge par les médecins généralistes ce qui apporte un réel confort aux patients et diminue les coûts et la durée des transport.

Pour améliorer l’organisation, les médecins généralistes peuvent se regrouper dans une maison médicale.

 

– Niveau 1

 

Véritable service d’urgences hospitalières, appuyé par un plateau technique, géré par des médecins urgentistes, renforcés en tant que de besoins par les spécialistes anesthésistes-réanimateurs, pédiatres, cardiologues, chirurgiens ; ce service est aussi le siège d’un SMUR

 

– Niveau 2

 

Au niveau précédent est ajouté le renfort d’un plateau technique plus complet avec spécialités chirurgicales, réanimation médico-chirurgicale, cardiologie interventionnelle etc… Ces urgences sont le siège d’un SAMU départemental. Le niveau efficient de régulation médicale semble être le département. Un territoire plus petit entraîne une consommation de moyens hors du terrain inutile. Un territoire inter-départemental diminue l’efficacité par méconnaissance du terrain et non-concordance avec les autres services de l’État.

 

– Niveau 3

 

Il s’agit de l’échelon régional avec toutes les spécialités médicales, la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque…etc. C’est le siège du SAMU régional.

 

Le maillage territorial peut être similaire à celui des maternités

 

  • Aucun citoyen français ne doit se trouver à plus de 45 minutes d’un service d’urgence d’au moins de niveau 1 (prise en charge des infarctus, des urgences chirurgicales, des AVC…),
  • Aucun citoyen français ne doit se trouver à plus de 1heure 30 d’une structure de niveau 2,
  • Le nombre de place en structure de niveau 3 doit être suffisant pour pouvoir hospitaliser un patient provenant des structures d’autres niveaux,
  • La création de maisons médicales doit pouvoir améliorer le vécu par les généralistes de la prise en charge des urgences simples.

 

Le fonctionnement en réseau

Il est ici, une nécessité entre les SAMU, les SMUR et les maisons médicales.

La chirurgie

Contrairement à ce qu’affirment les responsables actuels de la dégradation du service public de santé, la population a besoin de chirurgiens de proximité et pas seulement de grands chirurgiens dans les  » pôles d’excellence  » de plus en plus éloignés.

75% des actes de chirurgie viscérale concernent 4 interventions : appendicectomies, hernies, cholécystectomies et la chirurgie du colon. Comme pour les accouchements, 80% de ces interventions sont réalisables par des structures de proximité dans des conditions de sécurité, de confort et de coût équivalentes aux prestations des grands centres. C’est ce qui se pratique avec des résultats probants dans les autres pays d’Europe et, sauf à faire le lit d’un corporatisme prétentieux, il est difficile de concevoir que certains de nos chirurgiens soient systématiquement plus compétents pour ce type d’intervention que leurs confrères français et européens au seul motif qu’ils exercent dans un  » pôle d’excellence « .

Parce que c’est à la profession de s’adapter aux besoins de la population et non le contraire, un service de chirurgie doit pouvoir sécuriser les services d’urgences et la maternité en traitant rapidement les urgences vitales chirurgicales viscérales.

En ce qui concerne la chirurgie orthopédique, les notions d’exposition ou d’isolement (zones montagneuses par exemple) et de coûts des transports inter hospitaliers sont à prendre en considération sans oublier le confort lié à la proximité (constante retrouvée dans toutes les situations).

De même que pour les maternités, 4 niveaux de prise en charge peuvent être identifiés :

 

– Niveau local

 

Les médecins généralistes prennent en charge les urgences simples, ce qui peut être de leur ressort et de leur compétence. Ils assurent notamment les diagnostics et l’orientation des patients vers le plateau technique le mieux adapté à leur cas et à leurs situations dans un souci de sécurité, de confort et de réduction des coûts et de durée des transports.

 

– Niveau 1

 

Le plateau technique et la permanence chirurgicale doivent permettre la prise en charge d’une urgence chirurgicale vitale du type rupture de rate ou abdomen aigu. L’activité de jour comporte obligatoirement de la chirurgie viscérale et, si l’organisation et la taille de la structure le permettent, de la chirurgie orthopédique.

 

– Niveau 2

 

Au niveau précédent est ajouté le renfort d’un plateau technique plus complet avec spécialités chirurgicales : urologie, vasculaire, ophtalmologie

 

– Niveau 3

 

Il s’agit de l’échelon régional avec toutes les spécialités chirurgicales dont la neurochirurgie et la chirurgie cardiaque.

 

Le maillage territorial

Il peut (doit) être similaire à celui des maternités.

La qualité et le niveau d’un service d’urgence sont plus liés au plateau technique (principalement la chirurgie) qui lui est associé qu’au contenu du service lui-même.

Le fonctionnement en réseau

Il est ici également une nécessité entre les différents niveaux de prise en charge.

Les soins intensifs et les réanimations

Un chapitre des SROSS de 3 ème génération actuellement en cours de rédaction concerne spécifiquement les services de soins intensifs et les réanimations.

Ici aussi, il faut prévoir une prise en charge avec 4 niveaux. Les besoins en terme de prise en charge des personnes âgées présentant une défaillance d’une fonction vitale doivent être abordés avec sérénité.

Il faut prendre en compte le contexte d’accroissement de l’âge moyen des patients hospitalisés en réanimation et le débat sur l’acharnement thérapeutique.

Il n’est pas acceptable que la poursuite d’une réanimation ne se décide pas au regard de l’état du patient mais en fonction des habitudes régionales et des disponibilités en places dans tel service de chirurgie ou de réanimation.

Les soins longs et coûteux ne doivent pas être considérés systématiquement comme de l’acharnement thérapeutique

De même que pour les maternités, 4 niveaux de prise en charge peuvent être identifiés :

 

– Niveau local (maisons médicales)

 

Les médecins généralistes doivent pouvoir disposer d’un avis spécialisé grâce à la télé médecine. Ils doivent pouvoir bénéficier d’une formation et disposer des drogues et techniques d’urgence en attendant un transfert.

 

– Niveau 1

 

La présence indispensable des anesthésistes-réanimateurs pour sécuriser les maternités et faire fonctionner les services de chirurgie permet d’envisager le maintien des services dits de  » réanimation  » qui sont maintenant appelés de  » surveillance continue « . La différence entre ces deux appellations porte sur la présence d’un médecin sur place 24h / 24h.

 

– Niveau 2

 

Il s‘agit des réanimations classiques avec permanence d’un médecin spécialiste 24h / 24h.

 

– Niveau 3

 

Il s’agit de l’échelon régional avec toutes les spécialités de réanimation, neurologique, respiratoire, métabolique …etc.

 

Le maillage territorial

Il peut être similaire à celui des maternités.

Le fonctionnement en réseau

Il est ici également une nécessité entre les différents niveaux de prise en charge.

 

La médecine

Les besoins en service de médecine se posent en termes de confort et de qualité des soins, pour les patients souvent âgés.

La prise en charge par des structures de proximité permet d’empêcher la perte des repères et la désocialisation liée à des hospitalisations prolongées.

Si la gérontologie a beaucoup apporté à la médecine en permettant une approche plus globale des besoins des patients, il faut constater que grâce à l’amélioration de la prévention et à l’augmentation de la durée de la vie, les services de médecine ont une proportion non négligeable de personnes âgées.

Nous traiterons donc dans le même chapitre les services de gérontologie aiguë et la médecine.

De même que pour les maternités, 4 niveaux de prise en charge peuvent être identifiés :

 

– Niveau local (Hôpital local)

 

Les médecins généralistes doivent pouvoir disposer de lits d’hospitalisation à proximité de leur lieu d’exercice pour des pathologies ne nécessitant pas d’avis spécialisé ou qui sont gérables par télémédecine mais justifiant une présence infirmière 24h sur 24.

 

– Niveau 1

 

Les services de médecine polyvalente proches du domicile des patients permettent de gérer la plupart des pathologies courantes des patients, dont celles des personnes âgées. Une médecine hospitalière de proximité est source de bien-être pour les patients et d’économies en moyens de transport.

 

– Niveau 2

 

Il s’agit des structures hospitalières comportant des services de médecine spécialisée : gastrologie, cardiologie, pneumologie, neurologie, rhumatologie, …etc.

 

– Niveau 3

 

Il s’agit de l’échelon régional avec toutes les spécialités médicales.

 

Le maillage territorial

Il peut être similaire à celui des maternités.

Le fonctionnement en réseau

Il est ici également une nécessité entre les différents niveaux de prise en charge.

 

Les services médico-techniques

En ce qui concerne les services d’imagerie, la même graduation doit être proposée :

 

– Niveau local (Hôpital local)

 

Les médecins généralistes doivent pouvoir disposer facilement d’un appareil de radiologie conventionnelle et de la télémédecine.

 

– Niveau 1

 

Outre la radio conventionnelle, un scanner paraît actuellement indispensable vu la place prise par cet équipement dans la contribution au diagnostic médical, la sécurité qu’il apporte et le retard pris par notre pays face à ses voisins européens. Le problème de l’astreinte de radiologie peut trouver une solution grâce à la télémédecine.

 

– Niveau 2

 

Pour les mêmes raisons, un appareil d’IRM doit équiper ce niveau de soins.

 

– Niveau 3

 

Il s’agit de l’échelon régional avec toutes les possibilités d’imagerie les plus performantes.

Les services de Soins de Suite et d’hébergement de personnes âgées

Ils doivent être créés au plus près des populations afin d’éviter la perte des repères des personnes âgées. En nombre notoirement insuffisant, il est indispensable d’ouvrir des services de Soins de Suite et des services d’hébergement de personnes âgées  » de novo  » et non en transformant d’autres structures au risque de déplacer le problème en amont.

 

Les structures de prévention

Sur tout le territoire et à tous les niveaux de l’organisation des soins, la lutte contre les inégalités en santé des populations doit être plus fortement soutenue par les administrations sanitaires. Les structures de prévention doivent être développées en tenant compte des données épidémiologiques et géographiques.

Les besoins en structures sont beaucoup plus importants dans les départements du nord de la France et dans les zones péri-urbaines défavorisées.

Outre les centres d’alcoologie cela concerne également les consultations de tabacologie, les centres de dépistage anonymes et gratuits, les actions contre le diabète et l’hypertension.

À la frontière des secteurs sanitaire et social, ces structures doivent pouvoir exister et bénéficier d’une reconnaissance indépendante des effets de mode ou des effets d’annonce médiatique.

Les réseaux et la télémédecine

Un maillage du territoire ne peut être efficace que si le fonctionnement en réseau est efficient.

Cela implique le respect mutuel entre les différents niveaux.

S’il n’est pas question de vouloir tout faire partout, il faut lutter contre la  » pensée unique  » qui voudrait qu’il n’y ait de  » grand docteur  » que dans les grands hôpitaux.

Il est indispensable de revaloriser la médecine et la chirurgie exercées au plus près des malades dans les hôpitaux de proximité.

Les réseaux et la télémédecine, en permettant aux praticiens de travailler ensemble, doivent faciliter une connaissance mutuelle, prélude à la reconnaissance.

 

3) Disposer d’une classification des structures de soins qui corresponde à la réalité et qui soit utilisable

 

La classification actuellement utilisée reconnaît 3 niveaux : les Hôpitaux locaux, les Centres Hospitaliers Généraux et les Centres Hospitalier Régionaux ou Universitaires.

Vouloir mettre dans la même classe des centres hospitaliers répondant aux besoins d’une population de 30 000 habitants et d’autres répondant à des besoins départementaux voire pluri-départementaux n’a pas de sens.

Les besoins, les fonctionnements, l’organisation d’hôpitaux comme Saint-Affrique ou Ambert n’ont que peu de choses en commun avec des centres hospitaliers comme Perpignan, Pau ou Colmar.

Il nous est apparu comme une évidence, d’autant plus que les autres pays européens ont adopté cette classification, de séparer la classe des  » Centres Hospitaliers Généraux  » en 2 classes ou plus exactement de définir le  » chaînon manquant  » du système hospitalier français :

 » Le Site Hospitalier Territorial de Proximité « 

Proposition de classification des établissements hospitaliers

– Niveau local

 

Le premier niveau d’établissement hospitalier correspond à la structure nécessaire pour répondre aux besoins d’un bassin de vie de type INSEE.

Il s’agit d’un hôpital local. Les médecins généralistes en assurent la médicalisation suivant les possibilités et l’étendue géographique de la zone. Une  » maison médicale  » peut y être associée ainsi qu’un  » Centre Périnatal de Proximité « . Des services d’hébergement pour personnes âgées complètent l’offre de proximité.

Longtemps décriés, ces hôpitaux locaux rendent un vrai service à la population mais leur principale faiblesse pour pouvoir occuper une place essentielle dans un réseau de santé est leur répartition très inégale suivant les différentes régions françaises.

Ils viennent en complément du réseau que nous proposons et ne peuvent en aucun cas s’y substituer. Nous dénonçons fermement la malhonnêteté intellectuelle qui voudrait faire croire à une population que sa sécurité est assurée par une structure de ce niveau.

 

– Niveau 1

 

C’est le  » chaînon manquant  » du système hospitalier français et dont l’absence de définition autorise les tenants de la  » pensée unique  » à démanteler un à un les hôpitaux dits de  » proximité « . En effet la notion d’hôpital de proximité n’étant pas définie, il est possible d’y attacher n’importe quel concept.

Nous proposons donc de définir clairement

ce qu’est ce  » chaînon manquant « 

Il s’agit d’une unité hospitalière qui doit être autonome sur un site.

 

En effet, le bilan des coopérations inter-établissements force à constater qu’elles sont le plus souvent vécues comme des absorptions. Les exemples de fusion-absorption sont multiples, même si parfois certains regroupements ont permis la création de services nouveaux apportant un réel bénéfice à la population.

 

Cet outil de restructuration échappe à toute planification de santé puisque c’est généralement l’établissement de santé le plus petit qui disparaît même s’il est indispensable pour le maillage du territoire.

Cette unité hospitalière peut être publique ou privée (PSPH). Elle répond seule aux besoins d’une population plus ou moins importante. Sa fermeture ou son inexistence met en péril la vie des habitants en les mettant à plus de 45 minutes d’une autre structure hospitalière.

S’il est évident qu’il restera toujours des populations isolées situées à plus de 45 minutes d’un hôpital, il est indispensable de définir le seuil à partir duquel cet isolement n’est plus tolérable. Ce seuil a été défini pour les maternités en Midi-Pyrénées : il est de 50 femmes enceintes par an, soit, pour un taux de natalité de 10 pour 1000, une population de 5 000 habitants. Il doit être élargi à l’ensemble des unités hospitalières.

Donc, toute  structure sans laquelle il existerait une  » zone blanche  » de plus de 5 000 habitants ( = zone géographique dont les habitants sont à plus de 45 minutes d’une structure hospitalière de niveau supérieur ou égal à 1) doit bénéficier du statut   » d’exception géographique  » et des moyens de recrutement et de fonctionnement propres à ce statut.

Cette unité hospitalière couvre donc un territoire de santé caractérisé par :

 

      • une partie de ce territoire, habitée par plus de 5 000 habitants, est à plus de 45 minutes d’une autre structure hospitalière. Ce territoire bénéficie alors de la notion d’exception géographique,
      • ou bien, la population de ce territoire présente des caractéristiques socio-économiques défavorisées et la fermeture de l’établissement de santé aggraverait l’isolement social des populations.

 

Ce Site Hospitalier Territorial correspond au niveau 1 des différentes spécialités définies au chapitre précédent. En complément des niveaux 2 (départemental) et 3 (régional), il peut donc être considéré comme étant de Proximité.

Ce Site Hospitalier Territorial de Proximité fonctionne en réseau avec les structures de niveaux 2 et 3, mais surtout avec les médecins généralistes, les établissements de santé locaux et les professionnels de santé constituant ainsi une véritable  » Unité Sanitaire Rurale  » que nous définirons plus loin.

Il est habilité à recevoir des internes et à prendre part à leur formation.

Le Site Hospitalier Territorial de Proximité doit être une entité autonome et doit disposer de tous les services complémentaires d’un niveau 1 c’est à dire :

 

      • Une maternité de niveau 1 (accouchements des grossesses non classées à risque)
      • Un service d’urgence de niveau 1 (urgentistes) et un SMUR
      • Un service de chirurgie de niveau 1 (astreinte et activité de chirurgie viscérale)
      • Un service de surveillance continue
      • Un service de médecine de niveau 1 (médecine hospitalière polyvalente)
      • Un service de radiologie avec radiologie conventionnelle et scanner
      • Un équipement de télé-médecine permettant de fonctionner en réseau
      • Des services d’hébergement de personnes âgées, de prévention et des unités de psychiatrie peuvent également y être associés

– Niveau 2

Il s’agit de l’hôpital de niveau 2, de l’échelon départemental. C’est le pôle de référence pour les différentes spécialités.

Dans un fonctionnement en réseau, il doit être l’animateur de l’ensemble des structures du département dans un esprit de respect des structures plus petites et de soutien logistique.

Il doit sortir du schéma vassal-suzerain voire du schéma d’absorption.

– Niveau 3

Il s’agit du niveau régional, CHR ou CHU, responsable de la recherche et de l’enseignement pour la région. Ils doivent se considérer comme responsables de l’ensemble de la région et donc pouvoir déléguer certaines tâches aux structures de niveaux locaux, 1 et 2.

Ce n’est qu’à ce prix que l’exercice médical dans ces structures sera revalorisé.

 

  • Disposer d’outils géographiques permettant d’appréhender la notion de temps de transport et de territoire de santé

 

Il est nécessaire de raisonner en termes de besoins de soins et pas seulement d’offre de soins. Les outils actuellement utilisés qui s’intéressent aux aires de recrutement et aux aires d’attraction ne sont pas pertinents car ils ne permettent que l’analyse de l’offre de soins.

Il est temps de passer  » des outils de l’histoire  » d’un hôpital aux outils de la géographie et de l’épidémiologie d’une population.

La notion de temps de transport

La seule unité de mesure utilisable quand on parle de sauver un nouveau-né par une césarienne en urgence ou un cœur par une thrombolyse en urgence est l’unité de temps c’est à dire le temps d’accès à la structure de soins la plus proche.

La distance kilométrique n’a pas la même signification dans une zone urbaine dotée d’autoroutes (même si la circulation est dense, les SMUR peuvent se dégager grâce au klaxon 2 tons) et dans une zone rurale. Par exemple, les 110 kms à  » vol d’oiseau  » de l’extrême est à l’extrême ouest du secteur du CHIC du Sud-Aveyron correspondent à 162 kms par la route et à 3h 30 de temps de trajet !!

Parmi les différents outils proposés, seules les courbes isochrones sont facilement réalisables et représentent la réalité du terrain. Les polygones de Thiessen ne tiennent pas compte des différences de réseaux routiers. Les aires de Reilly pour être pertinentes doivent être réalisées à l’échelon communal voir infra-communal. Quelle que soit la méthode, l’échelon cantonal n’est pas pertinent, certains cantons mesurant près de  » 45 mns  » dans leur plus grande dimension (cantons des zones montagneuses ou du Sud-Ouest).

Il faut donc dresser une carte des  » zones blanches  » et chiffrer la population de chacune de ces zones. La Coordination Nationale est actuellement en train de réaliser ce document.

La notion de territoire de santé ou la notion d’Unité Sanitaire

Les notions de territoire de santé ou de bassin de santé ont été utilisées par plusieurs administrations sans que le terme ne soit défini de façon unanime.

Nous proposons donc une définition pour une  » unité sanitaire  » à partir de celle de E. Vigneron citée dans le rapport du Conseil Economique et Social pour le bassin de santé, gardant la notion d’unité historique et culturelle mais en y ajoutant une notion géographique.

Pour E. Vigneron, un  » bassin de santé  » est :

 » Une partie du territoire, drainée par des flux de patients aux caractéristiques et aux comportements homogènes hiérarchisés et orientés principalement vers un centre « . Il rajoute que  » la population doit être assez nombreuse  » et que  » un bassin de santé comportera au moins un pôle de niveau II comprenant au moins 150 à 200 lits de MCO « . Cette notion de  » bassin sanitaire  » est donc liée aux pôles de niveau II.

Nous proposons donc une définition sur le même schéma, pour les pôles de niveau I.

Pour nous,  » l’Unité Sanitaire «  est :  » Une partie du territoire, drainée par des flux de patients aux caractéristiques et aux comportements homogènes hiérarchisés et orientés principalement vers un centre et dont le plus grand rayon à partir de ce centre ne dépasse pas la courbe isochrone des 45 mns en zone rurale ou dont le rayon corresponde au rayon de la zone d’attraction des services d’urgences en zone urbaine ou semi urbaine « .

Au-delà de la limite des 45 mns, les communes appartiennent soit à une autre unité sanitaire soit à une  » zone blanche « .

Les professionnels de la santé, qu’ils soient du secteur privé ou du secteur public, qu’ils soient du pôle soins, du pôle prévention ou du pôle hébergement constituent une communauté. Il faut formaliser cette communauté afin qu’elle assure la formation continue, qu’elle participe à l’élaboration d’une véritable politique de prévention et qu’elle puisse donner son avis sur le fonctionnement ou l’existence des établissements hospitaliers dans le cadre de la mise en place d’une véritable démocratie sanitaire.

Nous séparerons les  » unités sanitaires rurales « 

et les  » unités sanitaires urbaines  » :

 »  L’Unité Sanitaire Rurale « 

En ce qui concerne les zones rurales, dans les cantons du Sud, du Centre ou de l’Est de la France, par exemple, où la densité est inférieure à 20 habitants au km², avec une population souvent âgée et avec des transports en commun quasiment inexistants, le choix du patient sera limité aux quelques médecins généralistes de proximité et à la structure hospitalière de proximité qui seront les portes d’entrée dans le système de santé (l’agriculteur lozérien qui se rend de son propre chef au CHU est l’exception !).

Le rapport sur les  » inégalités cantonales en matière de santé  » publié en 2004 par les Observatoires Régionaux de la Santé met bien en évidence cette différence entre le sud de la France où il existe de nombreuses  »  zones blanches  » et le nord où il existe une surmortalité due à des facteurs socioprofessionnels, mais qui possèdent également des  » zones blanches  » (secteur de Lure-Luxeuil par exemple).

Les réponses en terme de santé publique doivent donc être adaptées aux deux problématiques.

Le Nord a besoin de plus de structures de prévention et le Sud du maintien de son tissu d’établissements hospitaliers.

Historiquement et culturellement, en zone rurale, les liens entre les différents professionnels de santé existent et sont souvent forts ; l’Unité Sanitaire Rurale regroupera donc dans un réseau l’ensemble des professionnels de santé de la zone et l’établissement hospitalier qui sera le pilier du système de santé en zone rurale et qui aura pour objectif de rendre à nouveau ces zones attractives pour les professionnels de la santé.

Une cartographie de ces  » Unité Sanitaires rurales  » devra être dressée afin de servir de référence pour le maillage du territoire.

 » L’Unité Sanitaire Urbaine « 

En zone urbaine, la réflexion en ce qui concerne la notion d’appartenance à un ensemble sanitaire n’est pas liée forcément à la notion de proximité.

Par exemple, un habitant de la banlieue ou du centre-ville aura le choix en fonction de ses différentes pathologies entre plusieurs établissements : s’il veut se faire opérer du genou à la clinique du genou à Paris ou être suivi dans un CHU pour un problème médical complexe, il peut aussi choisir de se faire opérer de son appendicite dans son hôpital de proximité.

Le choix entre les différentes structures sera fait en fonction de la réputation de l’établissement, plusieurs établissements proposant les mêmes services dans un rayon de 45 mns.

De plus, il pourra choisir son médecin généraliste parmi un grand nombre de cabinets médicaux.

De même, son généraliste aura des correspondants hospitaliers dans plusieurs hôpitaux.

Cette notion se retrouve dans l’étude des  » zones d’attractions  » des établissements qui sont différentes selon la spécialité étudiée.

La définition des  » zones d’attraction  » d’un établissement de santé sur laquelle de nombreuses ARH ont travaillé ne s’intéresse qu’à l’offre existante et à la façon dont cette offre est utilisée ou non, mais en aucune façon aux besoins de santé publique de la population.

L’idée sous-jacente de la  » pensée unique  » étant que si les patients vont se faire soigner ailleurs, un établissement de santé est inutile.

Il s’agit d’une approche commerciale et non planificatrice de la santé publique à laquelle nous ne pouvons souscrire.

Pour nous, si un établissement de santé jugé indispensable géographiquement dans le cadre du maillage territorial connaît des dysfonctionnements, il faut y remédier et non remettre en cause son utilité (si une administration préfectorale pose des problèmes, l’État mute le préfet, il ne ferme pas la préfecture !).

 

  • Donner les moyens financiers et humains à chaque niveau d’établissement de santé afin qu’ils puissent envisager l’avenir autrement qu’en termes de survie

 

Depuis plus de 20 ans, les établissements de santé  »  survivent « . Ils sont régulièrement montrés du doigt et régulièrement accusés de déséquilibrer les comptes de la Sécurité Sociale par tous les décideurs (bien portants !) qui estiment que la santé coûte trop cher. On ne compte plus les classements dans les journaux sur la  » performance  » des hôpitaux, les projets de fusions, fermetures, regroupements, redéploiements et autres plans de restructuration imposés qui ont complètement déstabilisé les établissements hospitaliers.

Les rapports sur  » le malaise des professions de santé « , ou encore sur  » l’hôpital malade  » se succèdent. Il faut redonner espoir au personnel soignant.

Il est illusoire d’espérer recruter des infirmières ou des médecins pour des structures dont l’existence même est sans arrêt remise en question.

Il est urgent d’apporter aux hospitaliers un minimum de sérénité et de sécurité professionnelle pour qu’ils puissent assurer leur rôle auprès des patients.

Il faut sortir de ce contexte ou chaque établissement ne s’imagine pouvoir survivre qu’au détriment de ses voisins.

Cela fait trop longtemps que les relations entre structures ne sont vécues que comme un gigantesque  » kriegspiel  » : la survie étant conditionnée par la disparition des hôpitaux considérés comme concurrents voire adversaires.

Les relations inter-établissements souhaitables dans un réseau sont incompatibles avec cette approche. À chaque fusion, à chaque absorption, à chaque fermeture c’est un peu du tissu sanitaire qui s’en va en lambeau, il est temps de retisser du lien social en organisant une couverture sanitaire stable et adaptée aux besoins du territoire.

Pour cela, il faut définir les structures indispensables pour un réseau sanitaire couvrant tout le territoire. Il y a des endroits où il existe des doublons et où il est possible d’améliorer le service rendu aux patients en restructurant et en regroupant des établissements privés ou publics. Cela doit se faire dans la transparence en tenant compte des contraintes dues à la géographie et à l’épidémiologie. Les élus, les usagers et la  » communauté des professionnels de santé  » doivent prendre en compte les besoins de la population et non les intérêts corporatistes de telle ou telle profession, pas plus que les contraintes budgétaires imposés par des ARH en quête de résultats économiques ou idéologiques et parfois éloignés des réalités du terrain. Déjà de nombreuses restructurations ont eu lieu à la demande ou en accord avec la population et les élus.

Il faut définir un maillage du territoire et déterminer les fonctions de chaque établissement. Ensuite, il faut que chaque structure puisse bénéficier des moyens nécessaires à son fonctionnement. Le seul nouveau mode de tarification à l’activité (T2A) n’est pas compatible avec une approche  » santé publique  » de l’aménagement du territoire. L’importance des fonds  » MIGAC  » doit être mise en adéquation avec les besoins des établissements.

Si une petite maternité est considérée comme géographiquement indispensable, il est évident que  » l’effet seuil  » (il ne peut y avoir moins d’une sage-femme et d’une auxiliaire en permanence, il ne peut y avoir moins d’une équipe de bloc d’astreinte) entraîne des coûts semblables qu’il y ait 200 ou 400 accouchements par an.

Il faut donc, au nom de la solidarité, que les établissements bénéficient d’une enveloppe budgétaire minimale, indépendante des crédits à l’activité afin d’assurer la continuité du service public et l’égalité d’accès aux soins.

Ce raisonnement est également valable pour les niveaux II et III qui doivent obligatoirement faire fonctionner des services indispensables tels que les réanimations néonatales, par exemple, indépendamment de leur niveau d’activité.

Ce n’est qu’en levant cette menace permanente

sur les petites structures,

qu’elles pourront redevenir attractives

pour les professionnels de santé.

 

  • Mettre en place une véritable démocratie sanitaire dans laquelle les citoyens sont réellement participants et non représentés par des  » usagers professionnels « 

 

Tous les citoyens sont concernés directement par la politique de la santé. Les décisions prises par les décideurs ont des conséquences dans la vie quotidienne de chacun, voire, à l’extrême, en termes de vie et de mort.

Quand les tutelles décident de fermer une maternité isolée, c’est en terme de décès de nouveau-nés et de leurs mamans que se traduit inévitablement cette décision. Les décès indus de nouveau-nés à Amboise ou à la Mûre ont été suffisamment médiatisés pour avoir valeur d’exemple.

C’est donc dans leur existence même, que les citoyens ressentent les décisions concernant la santé.

Cette forte implication du domaine de la santé dans la vie des citoyens explique le profond ressenti d’injustice quand est imposée la fermeture d’un hôpital. C’est ce non-respect d’un droit ressenti comme intuitivement fondamental qui explique la forte mobilisation de la population

Les établissements de santé jouent un rôle majeur dans la politique d’aménagement du territoire. Le rapport du Conseil Economique et Social précité, le met fort bien en évidence :

 

 » Territoires et santé entretiennent donc des liens très étroits qui sont souvent oubliés ou négligés. (…) Comment en effet parler d’aménagement du territoire sans évoquer l’accessibilité aux services de soins ou en ignorant la présence de ces acteurs majeurs d’un point de vue sanitaire, économique et social que sont les établissements de santé ? car ce sont eux qui parfois  » font vivre  » une population dans tous les sens du terme : ils sauvent la vie de nombreux patients et  » font vivre  » toute une région par leur importance économique et sociale. Pourvoyeurs d’emplois, ils participent également au maintien de la cohésion et du tissu social en mettant de nombreux acteurs en réseau autour d’eux et en garantissant le principe républicain d’égalité devant l ‘accès aux soins. « 

 

Les décisions prises dans le domaine de la santé ne peuvent être totalement déconnectées des nécessités et des contraintes dues au maintien des services publics dans les zones en voies de désertification.

La fermeture d’un hôpital entraîne la désertification sanitaire : les médecins généralistes s’en vont comme cela a été fort bien montré en Normandie.

Et la désertification sanitaire entraîne la désertification tout court !

 

La santé publique est un bien commun

et ne peut être le domaine réservé

de quelques professionnels de santé publique

ou de quelques décideurs même nourris des meilleures intentions.

 

Sans rentrer dans le débat sur la nécessité ou non de l’existence des Agences Régionales de l’Hospitalisation, le constat actuel fait par le Conseil Économique et Social est qu’ » il existe un relatif éloignement des ARH des priorités de terrain « .

De même, les élus (M. J.-L. Préel, député de Vendée cité par le CES) constate que les ARH  » ne prennent pas du tout en compte les besoins réels de la population« .

Ce sentiment a été fortement exprimé par les différents intervenants lors des 3 Assemblées générales de la Coordination Nationale.

Il est donc urgent de renforcer la démocratie sanitaire.

D’une part, au moyen de la démocratie représentative,

 

Les élus doivent pouvoir être entendus par les ARH concernant les politiques de restructuration car elles ont un retentissement direct sur l’aménagement du territoire. Les Maires des petites villes sont des responsables locaux qui sont prêts à jouer le jeu des restructurations quand celles-ci sont jugées acceptables par les populations et acceptées par elles (le Maire de Commercy nous l’a rappelé lors de la rencontre de Lure).

 

D’autre part, au moyen de la démocratie participative,

 

Celle ci peut prendre différentes formes, mais l’objectif est d’associer directement les citoyens aux décisions.

 

Se posent deux problèmes :

    • Celui de la représentativité des acteurs participant aux décisions

 

    • Les problèmes de santé concernent tous les citoyens, usagers ou non des services de santé, puisque rares sont ceux qui ne seront pas potentiellement usagers un jour ou l’autre, et que, d’autre part, le secteur de la prévention concerne l’ensemble de la population.
    • Actuellement, les représentants des usagers sont désignés par le Préfet de région parmi des listes officielles de représentants d’usagers. Le problème de leur représentativité est donc réel (par exemple, dans le Sud-Aveyron, après le referendum organisé par les élus et ou 18 000 électeurs avaient voté contre le projet de l’ARH et 80 pour, les représentants des usagers se sont abstenus au Conseil d’Administration lors du vote sur le projet de réouverture de la chirurgie !).
    • Il faut donc parler de représentants des citoyens et non des usagers !
    • Celui des modalités de cette participation

 

    • Les conférences régionales de santé ne concernent actuellement que des usagers souvent  » professionnels « .
    • Des référendums locaux ont été organisés par des communes ou des groupements de communes pour des sujets de santé. À Lure en Haute-Saône et à St Affrique dans l’Aveyron, les populations se sont clairement prononcées pour le maintien de leur hôpital. D’autres référendums, dans d’autres régions, sont venus et viendront confirmer cette position de l’opinion publique.
    • La collecte des avis du public par enquêtes comporte des biais importants liés au recueil même de ces avis (qui fait l’enquête, quelle est sa neutralité, quelle est la fiabilité de l’échantillon de population : tirage au sort, volontariat… ?).
    • La participation des citoyens à des débats publics type  » conférence de consensus sur les OGM  » réunit trop de participants sur un temps trop court pour que la parole des citoyens puissent vraiment être prise en compte.

 

Une véritable démocratie sanitaire

reste à inventer,

la Coordination Nationale participe activement à cette réflexion.

 

Conclusion

Il est indispensable si l’on veut adapter la devise du nouveau plan périnatalité :  » Humanité, proximité, sécurité, qualité « , à l’ensemble de l’hôpital, de mettre en œuvre un maillage du territoire en réseau gradué, seul garant d’une égalité devant les soins. Ceci commence par une égalité d’accès aux soins.

Pour tenir compte de la réalité du terrain et garantir l’égalité d’accès aux soins, ce réseau doit proposer 4 niveaux d’établissements hospitaliers correspondant à 4 niveaux d’équipements et à 4 distances-temps gradués. Actuellement 3 niveaux existent (hôpital local, centre hospitalier et CHU), il est indispensable de tenir compte de la réalité du terrain et d’individualiser les plus petits parmi les  » centres hospitaliers », les Sites Hospitaliers Territoriaux de Proximité (SHTP, correspondant à la dénomination  » hôpital minimal « ).

Ces structures doivent obligatoirement posséder une maternité, des urgences et un SMUR, une surveillance continue et des services de chirurgie et de médecine ainsi qu’un scanner.

Le maillage du territoire doit tendre à éliminer les  » zones blanches « , c’est à dire les communes situées à plus de 45 mn d’un SHTP.

C’est autour de ces établissements que se structure la vie de la communauté des personnels de santé formant une  » unité sanitaire « .

En zone urbaine, ces SHTP doivent être les structures de base autour desquelles s’organise la prévention.

La Coordination Nationale refuse toute fermeture totale ou partielle d’un site hospitalier sans qu’une étude géographique et épidémiologique n’ait montré la faisabilité du projet. Cette étude doit être contradictoire et déboucher sur un référendum local.

De même, elle exige le rétablissement des services et le financement des structures jugées indispensables au maillage sanitaire. Il ne s’agit pas de vouloir tout faire partout, mais de donner aux réseaux les moyens de fonctionner dans la transparence et le respect mutuel.

Notre contribution n’est évidemment pas un dogme figé de plus, c’est une proposition au débat indispensable pour revitaliser la démocratie sanitaire dans notre pays, et contribuer à un équitable aménagement de notre territoire.

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