A propos du SROS 3 de la Région de Bretagne.
-Il prévoit une gradation légitime des soins avec quatre niveaux :
« -hôpital local : autour d'une unité de médecine polyvalente, principalement mais non exclusivement à vocation gériatrique ;
-site de proximité : un ou plusieurs services de médecine polyvalente, une ou des unités d'hospitalisation spécialisées ;
-site de recours : dispose d'un plateau technique de spécialités définies comme nécessaires sur le secteur sanitaire ; le rôle de référent peut être assuré par plusieurs établissements publics ou privés en fonction des spécialités ;
-site d'expertise : C.H.U.
Deux remarques s'imposent : il n'est pas mentionné de plateau technique pour le site de proximité, qui risque, à terme, de n'être plus qu'un hôpital local amélioré, sans obstétrique et sans chirurgie (comme l'est devenu l'hôpital d'Hennebont), avec médecine et gériatrie ; peut-on encore dans ce cas parler véritablement d'hôpital ? La définition du site de recours justifie (même plus par avance, puisque cela est déjà une réalité) la constitution de pôles associant le secteur public et le secteur privé.
-Il rappelle que de 1999 à 2004, en Région Bretagne, le nombre d'établissements chirurgicaux est passé de 63 à 48 (un quart en moins) dont 22 publics, 21 privés, 4 privés PSPH (Privé à vocation de Service Public Hospitalier) et 1 militaire.
La part du privé est déjà prédominante dans l'activité chirurgicale. En 2002, la chirurgie entraîne le 1/3 des séjours hospitaliers, dont 60 % pour le secteur privé et 40 % pour le secteur public et le privé PSPH ; la chirurgie représente 50 % de l'activité des établissements privés et 15 % de celle des établissements publics. En outre, 80 % des actes chirurgicaux en ambulatoire sont effectués par le secteur privé.
-Le SROS 3 reprend pour les établissements chirurgicaux la même argumentation que celle utilisée pour fermer les « petites » maternités (il fallait 300 accouchements par an pour les maintenir) :
« chaque acte chirurgical doit être pratiqué par un praticien compétent, dans un environnement sécurisé avec un volume d'actes suffisant, garantissant le maintien de la compétence de la discipline. »
« cet objectif ne peut être atteint que par le regroupement des plateaux techniques déjà largement engagé sur la région »
« le volume minimal d'activité garantissant l'expérience de l'équipe et l'optimisation des ressources est de 1500 interventions chirurgicales par an » ; l'on voit donc apparaître l'arbre de la rentabilité, véritable raison de tout cette politique, jusque là caché par la forêt de l'argument de la sécurité ; l'on est passé aussi du praticien, à la discipline, à l'équipe comprenant en fait toutes les spécialités mélangées et niveaux de complexité.
« il est donc nécessaire sur chaque secteur sanitaire, dans le cadre du projet médical de territoire, de réévaluer l'implantation des plateaux techniques chirurgicaux » : ainsi l'A.R. H. pourra plus facilement dégager sa responsabilité rejetée au niveau local.
« les postes médicaux devront être attribués de préférence à l'établissement de référence ; cette solution peut permettre transitoirement une activité chirurgicale sur le site de proximité, facilitant sa mutation » : cela confirme la localisation prioritaire des plateaux techniques sur le site de recours et la disparition tôt ou tard des complémentarités ou des temps partagés entre site de recours et site de proximité, même s'il est affirmé qu' « une offre chirurgicale peut -(mais non pas doit)- exister sur les bassins de proximité ».
-10 établissements chirurgicaux (mais la liste n'est pas donnée), essentiellement publics, sont définis comme fragiles car ne réalisant que de 1500 à 3000 séjours : 7 Centres Hospitaliers de proximité, 1 PSPH et 2 cliniques privées. Les hôpitaux publics, où de façon générale l'activité chirurgicale occupe une part plus faible de l'activité globale, sont donc avec ce type de raisonnement plus « fragilisés » que les établissements privés.
-8 établissements sont définis comme réalisant une activité insuffisante avec moins de 1500 séjours par an, dont 7 Centres Hospitaliers de proximité, dont 2 isolés ; il est difficile à première lecture de savoir quel est le huitième.
La liste des 7 Centres Hospitaliers n'est pas là non plus donnée, mais quand on lit la partie finale sur la répartition des moyens par secteur, l'on s'aperçoit qu'il s'agit vraisemblablement de 7 hôpitaux publics (plus menacés là encore) où la chirurgie est maintenue sous conditions : Carhaix, Douarnenez, Landerneau, Paimpol, Quimperlé, Redon et Vitré. Les conditions sont notamment la réalisation du Contrat d'Objectifs et de Moyens, le maintien de la fédération hospitalière ou complémentarité avec un hôpital de recours et l'organisation pérenne de la permanence des soins par spécialité (Carhaix, Redon).
Pour ces hôpitaux sera effectuée une évaluation annuelle, alors qu'en principe le SROS est adopté pour cinq ans. Et si les choses tournent mal ce sera à l'Hôpital concerné de proposer une réorganisation de ses services ; là encore l'A.R.H. rejette au niveau local la responsabilité des fermetures.
Les Hôpitaux de Douarnenez et de Paimpol ont déjà perdu leur maternité ; s'ils perdent leur chirurgie, ils se retrouveront dans la même situation qu'Hennebont et seront mis en conformité avec la définition du site de proximité du SROS 3.
Les maternités de Landerneau et de Quimperlé sont maintenues avec un nombre d'accouchements minimum (550 à Landerneau, 500 Quimperlé). Mais si les hôpitaux de ces deux villes perdent leur chirurgie il sera ensuite beaucoup plus facile de fermer la maternité en faisant d'une pierre deux coups.
Le cas des Hôpitaux de Carhaix et de Redon est éloquent. Le SROS commence par affirmer que la chirurgie y est maintenue en raison de leur isolement ou éloignement (à plus de 45 minutes d'un site de recours). Mais l'espoir risque d'être de courte durée, car pour ces deux hôpitaux aussi le maintien est soumis à conditions et à évaluation annuelle. On sait qu'en d'autres lieux, les A.R.H. n'hésitent pas à fermer ou à vouloir fermés des hôpitaux aussi ou plus isolés.
Il est donc très important dans les sept villes concernées d'être particulièrement vigilant et de se mobiliser avant que le couperet ne tombe.
- Un des aspects marquants du SROS 3 dans la répartition des moyens est l'association entre le secteur public (où l'activité chirurgicale est « fragilisée ») et le secteur privé :
-CH de Morlaix et Centre Médico-Chirurgical de la Baie de Morlaix ;
-à Vannes : coopération entre CH Bretagne-Atlantique et la Clinique Océane ;
-pôle de santé public/privé sur le même site à Guingamp ;
-conventionnement avec des soins non programmés dans les cliniques briochines ;
-structure privée d'hôpital local à Plouguernevel ;
-pôle hospitalier public/privé à Dinan entre le CH de Dinan (urgences, médecine, obstétrique) et la Polyclinique de la Rance (à statut de PSPH ; à laquelle est attribuée la chirurgie) et qui bénéficie des travaux d 'aménagement effectués ; 18 médecins du CH (sur 40) ont fait connaître leur protestation contre la création du pôle public/privé ;
-pôle de santé public/privé à Noyal-Pontivy avec regroupement sur un même site avec construction en cours d'un nouvel établissement et regroupement des plateaux techniques et des services d'hospitalisation aigus ; avec convention entre le CH de Pontivy et de la Polyclinique de Pontivy (avec donc des personnels de statut différents dans les mêmes locaux et des modalités de paiement différentes), avec libre choix des malades aux urgences (comme si c'était la meilleure situation pour choisir !).
Et les nouvelles modalités de gestion des hôpitaux, avec l'application de la T2A (tarification à l'activité) ne va certainement pas arranger les choses pour les hôpitaux publics de proximité.
-Enfin des sites de proximité sont supprimés : c'est le cas de l'Hôpital de Loudéac, qui disparaît ou presque. C'est aussi, à l'échelon local, la suppression des sons de longue durée à Landivisiau et à Plougastel-Daoulas, au « profit » de la création d'un Etablissement Hébergeant des Personnes Agées Dépendantes (EHPAD).
Yves Jardin, Vice-Président pour la Région Bretagne
de la Coordination Nationale des Comités de Défense
des Hôpitaux et Maternités de Proximité
(les passages entre guillemets sont des citations du SROS 3 ; j'ai cité en caractères gras certains mots ou expressions).